mardi 30 juin 2015

"J'aime bien le 64 car on y prend le temps"

Sous ce titre un petit bébête se cache une réflexion que je me suis faite récemment: j'aime bien mon petit coin de Béarn, j'aime le pays basque, j'aime l'endroit où je me suis installée, même si mes origines me ramènent très loin d'ici.

Il se trouve que j'apprécie d'entrer dans la supérette près de chez moi et de passer un quart d'heure à tailler une bavette avec le gérant parce qu'à force d'y venir plusieurs fois par semaine on finit par créer des liens. Pareil chez le marchand de journaux, la pharmacienne, la boulangère, le gardien du parking, le facteur et les pépé-mémés du marché local. En week-end sur la côte, j'aime discuter le bout de gras avec le patron de café chez qui je m'arrête prendre un verre ou les propriétaires de l'hôtel où je dors. A chaque fois, c'est une expérience enrichissante, on apprend quelque chose ou l'on se change les idées, et souvent on en ressort de meilleure humeur. Un peu partout en France, on peut faire ce constat : nous vivons dans un pays où il fait bon "prendre le temps".

Cette impression qui s'exprime de manière aussi enfantine que "J'aime cette région, les gens sont gentils !" correspond à une vision optimiste des rapports humains qui contraste avec la plupart des histoires rapportées dans les médias. C'est un fait, la gentillesse, la courtoisie, l'honnêteté, ce n'est pas très vendeur, ou du moins c'est loin d'être ce qui fait vendre le plus ! Quel paradoxe ! Serions-nous ainsi habitués à une vie si douce et si agréable que nous ne nous rendons même plus compte de la chance que nous avons lorsque nous faisons de belles rencontres ou vivons de bonnes surprises ? A en croire un certain marasme généralisé, on dirait plutôt le contraire. Serait-ce alors que nous ne faisons pas assez attention aux marques de déférence ou de bienveillance des personnes que nous rencontrons ? C'est possible, et plus la ville est grande, plus l'on a tendance à considérer que celui qui sourit va nous réclamer de l'argent et que celui qu'on aide va nous chier dans les bottes la minute après ! Statistiquement il y a sans doute un fond de vérité, mais en réalité il suffit d'une mauvaise personne au mauvais moment et au mauvais endroit pour que cela dégénère, on ne peut pas généraliser.

Alors quoi ? Je crains que la réponse ne soit plus simple encore : nous passons à côté de belles rencontres car nous n'avons ni le temps ni la disponibilité intellectuelle ou émotionnelle pour les provoquer ; car nous hésitons à entamer une conversation de peur qu'elle s'éternise et ne nous mette en retard sur un planning qui bien souvent n'engage que nous ; car nous ne sommes jamais vraiment présent au monde qui nous entoure - et je ne parle pas spécifiquement de l'usage quotidien des téléphones et tablettes en société ; car nous sommes constamment dans nos pensées, dans nos souvenirs et nos projets à venir. En somme, nous passons à côté de petits cadeaux du quotidien parce que nous avons pour la plupart de grandes difficultés à vivre et goûter l'instant présent, dans sa simplicité et sa fugacité. Les enfants le font spontanément, puis en grandissant on leur apprend à prévoir, à organiser, à être "responsable", au final à vouloir tout planifier, tout contrôler. En entreprise, cette tendance est accentuée par le nombre sans cesse croissant de réunions d'avancement et de plannings prévisionnels demandés par la hiérarchie dans le but de se rassurer, de donner l'impression d'avoir une prise sur le temps qui passe. En couple, on planifie au mieux la date de conception des enfants pour coller avec l'entrée en crèche ou la mutation du conjoint. On entretient ainsi l'illusion que l'on peut Or, que l'on soit dans une mentalité polychrone (le temps est circulaire et ne se gagne ni ne se perd) ou monochrone (le temps est linéaire et bien délimité entre passé/présent/avenir), nul ne peut contrôler le temps ; on ne rattrape pas plus le passé que l'on n'anticipe le futur ; seul l'instant présent "existe".

Je reviendrai prochainement sur les concepts de lâcher-prise et de perception de l'instant présent ; les sources d'information sont nombreuses en la matière et le sujet de plus en plus en vogue dans nos sociétés malades de stress et d'anxiété. Moi-même, en proie régulièrement à de fortes angoisses ou doutes existentiels, je m'y penche assidûment pour y puiser la force de me battre contre tout ce qui me pollue et m'empêche de vivre pleinement ma vie. Mais s'il est bien une chose primordiale à rappeler aux adultes, c'est bien que l'on ne peut vivre sereinement sans avoir une réelle conscience de l'instant présent et la capacité d'en profiter pleinement. Comme le résume si bien un proverbe arabe: "Ce qui est passé a fui; ce que tu espères est absent; mais le présent est à toi."

vendredi 26 juin 2015

Quelques mots sur les canicules

Puisqu'une canicule est prévue pour la semaine prochaine à peu-près partout en France, il n'est pas idiot de se pencher sur la définition et les causes du phénomène. Il s'agit d'une période chaude d'au moins 72 heures durant laquelle l'amplitude thermique entre le jour et la nuit s'atténue, et que la chaleur s'accumule plus vite qu'elle ne s'atténue. Bien entendu, la définition universelle de la canicule n'existe pas, car les températures moyennes diffèrent suivant les régions du globe. Aussi dans le Sud de la France (Toulouse), la canicule sera déclarée dès lors qu'en journée la température dépassera 36°C et que la nuit elle n'ira pas au-dessous de 21°C ; en revanche, dans le Nord de la France (Lille), il suffira que la température dépasse 33°C le jour et se maintienne au-dessus de 18°C la nuit pour que l'on parle de canicule. [1] Avec des températures à Pau allant jusque 38°C et 36°C le jour respectivement mardi et mercredi, et des minimales à 21°C ces nuits-là, nous serons donc en canicule.

A l'origine d'une canicule, on trouve en général le blocage de la circulation atmosphérique d'altitude qui se traduit sous la forme d'un anticyclone stationnaire accompagné d'une remontée d'air chaud et sec en provenance du Maghreb ou du Sahara (ce qui est le cas actuellement). La canicule est en général associée à une forte humidité, ce qui rend la chaleur plus difficile à supporter. Le corps humain se refroidissant par l'évaporation de la sueur, plus l'atmosphère est saturée en eau et plus cette évaporation est difficile et elle devient quasiment impossible au-delà de 90% d'humidité relative ; la sueur colle alors à la peau et la chaleur ressentie est plus importante que la chaleur réelle. Il est ainsi plus facile de supporter 40°C avec 24% d'humidité relative que 30°C avec 79% d'humidité relative. [1] C'est la raison pour laquelle le climat équatorial (au Congo par exemple) est très éprouvant pour la santé. La chaleur combinée à une forte humidité perturbe le processus de régulation thermique du corps humain, en particulier chez les enfants et les personnes âgées.

Ce phénomène de chaleur ressentie peut s'illustrer facilement dans la différence entre le sauna et le hammam. Le sauna  dit "sec" se caractérise par une température entre 90°C et 110°C, mais l'atmosphère étant très sèche, la sensation de chaleur est intense mais supportable. Le sauna "humide" contient une humidité relative de 10% à 25% et la température est abaissée à 70°C-90%. Le hammam quant à lui est un véritable bain de vapeur avec une humidité de 100% et des températures nettement plus basses, entre 45°C et 50°C. [2]

Les précautions à prendre lors d'une canicule sont très simples : se rafraîchir en mouillant sa peau (par des douches ou un brumisateur), se protéger du soleil (se mettre à l'ombre) et autant que possible de la chaleur (privilégier les endroits frais comme les caves, les zones climatisées) et s'hydrater dès que l'on a soif. Attention néanmoins aux jeunes enfants qui ne savent pas toujours exprimer leur soif et aux personnes âgées qui peuvent avoir perdu la sensation de soif. L'idée est d'éviter le coup de chaud (une température corporelle dépassant les 40.5°C à cause de l'environnement) ainsi que la déshydratation.

Mes sources:

lundi 22 juin 2015

Interdiction du port de la burqa aux Pays-Bas


Le Courrier International de cette semaine [1] revient sur l'interdiction début juin aux Pays-Bas du port de tout accessoire couvrant le visage dans les écoles, les transports publics, les hôpitaux et les édifices gouvernementaux ; cela englobe la burqa et le niqab mais également les casques de moto et les cagoules. Là-bas, comme en France, le débat a duré longtemps et a suscité de multiples controverses ; aujourd'hui encore les avis sont discordants, entre ceux qui crient à la discrimination des femmes choisissant de se couvrir, ceux qui rappellent que dans certains pays le choix n'existe pas et ceux qui s'inquiètent du cas d'une petite fille enlevée à la sortie de l'école par une femme qu'elle a pris pour sa mère, ne pouvant voir son visage. Notons toutefois qu'aux Pays-Bas, les femmes portant le voile intégral régulièrement sont au nombre de 150, contre 400 qui le portent de temps à autre ; [1] en 2013, il y avait 16.8 millions de Néerlandais, ce qui porte à 0.0027% la part des néerlandais/es portant au moins occasionnellement le niqab ou la burqa.

Dans nos sociétés occidentales, on peut se demander si porter le voile - en principe synonyme de modestie et de pudeur - n'est pas contre-productif, certaines femmes se faisant plus remarquer dans la mesure où leur habillement diffère grandement des standards des pays concernés. Si je ne prête pas spécialement attention aux différentes vestimentaires dans la rue, je capte néanmoins des regards dirigés non seulement vers les femmes voilées, mais également en direction de tous ceux qui dérogent au jean/T-shirt et osent des chapeaux, des dreadlocks, des clous, des couleurs flashy ou des boubous. Moi-même adepte des tissus congolais, je circule régulièrement avec des robes aux motifs chargés et bariolés et j'ai conscience d'attirer les regards, parfois condescendants, mais bien souvent curieux ou admiratifs. Ma motivation provient d'une double démarche : au Congo, je m'habillais à la congolaise pour me fondre dans la population (autant que ma peau blanche me le permet) et témoigner de mon intérêt pour la culture du pays ; en France, je le fais pour rappeler que j'ai vécu au Congo et amener un petit morceau de cette culture aux gens qui m'entourent. 

Ces considérations sont néanmoins purement esthétiques et je n'aurais pas de mal à prendre d'autres habitudes. Dans le cas du niqab ou de la burqa, la question est plus délicate car la dimension religieuse se superpose à la dimension vestimentaire. Laissons de côté le cas des femmes qui se voilent contre leur volonté, et prenons l'exemple d'une femme désireuse d'exprimer sa foi de cette manière. Je peux aisément comprendre que cette femme soit embarrassée si on lui demande de montrer ici en France ce qu'elle cache depuis de longues années aux yeux de tous ailleurs. Ce serait certes se conformer aux coutumes locales - il ne me viendrait pas à l'esprit de sortir tête nue en Arabie Saoudite - ou à la législation en vigueur, une manière de se fondre dans le paysage du pays hôte. Mais dans le cas de cette femme - ou par exemple d'un juif portant la kippa - cela irait à l'encontre de la spiritualité et des convictions profondes de la personne, qui appartiennent non pas au matériel mais à l'immatériel ; que le vêtement couvre ou non le visage, les cheveux, le corps ou les mains, le croyant affecte un poids symbolique à l'acte de le porter, avec lequel une législation ou tout autre peut difficilement faire contrepoids.

Je n'ai pas d'avis tranché sur la question de savoir s'il faut tolérer ou non le port du voile intégral. Je comprends parfaitement que certaines femmes choisissent de le faire, tout comme je comprends que certains soient mal à l'aise en croisant dans la rue des gens dont ils ne peuvent apercevoir que les yeux. Je comprends également qu'il faut lutter contre les discriminations dont sont victimes les êtres humains, hommes ou femmes, à travers le monde ; mais encore faut-il s'accorder au préalable sur ce qui relève de la discrimination et ce qui n'en est pas. A vrai dire, le problème du voile intégral me paraît bien plus compliqué qu'une simple réponse à fournir en mode manichéen, et je doute que l'on arrive à quoi que ce soit par la législation. Chaque loi ira en faveur de l'un ou l'autre des partis mais une chose est sûre : ce n'est pas une loi qui nous fera avancer vers plus de tolérance et de compréhension mutuelle.

Pour rester sur le thème de la compréhension mutuelle, l'article de Courrier International mentionnait également une artiste musulmane banglado-américaine, Ayesha Akhtar, qui est à l'origine d'un projet insolite, le Burqa Project, dans lequel elle a filmé tour à tour une dizaine d'hommes portant le niqab et s'adonnant à leurs occupations habituelles (promenade, cinéma, travail, déplacements etc.). L'objectif était de les inviter à se mettre à la place d'une femme dans les mêmes conditions et de recueillir leurs impressions sur la manière dont ils avaient vécu cette expérience et sur l'impact qu'elle pourrait avoir dans leur vie. Le site web du projet [2] rassemble des photos et les témoignages de chacun de ces hommes, dont plusieurs se sont avoués intimidés par les réflexions des passants ou les regards qu'ils attiraient. Un autre craignait de croiser une femme portant le niqab par conviction et de donner l'impression de lui manquer de respect en se "déguisant". Un autre encore s'est étonné de la spontanéité avec laquelle une dame s'est jointe à une conversation sans paraître remarquer le niqab ; il s'est aussi amusé d'avoir reçu un "bonne journée madame" à la sortie d'un magasin. Un dernier insiste sur la chaleur et la soif intenses dont il a souffert en circulant à roller dans un parc fréquenté. Tous reconnaissent néanmoins le caractère original et introspectif de cette démarche artistique.

Pour terminer, je souhaitais citer les propos d'un pasteur néerlandais qui s'exprime dans le quotidien Trouw et craint que l'interdiction du port de la burqa et du niqab "ne soit un outil de répression qui ne favorisera pas l'échange". Il rappelle que "créer une communauté pour vivre ensemble, c'est un travail de longue haleine. Or notre société manque souvent de patience et cela mène à des interdictions". [1]
Serions-nous dans une société de l'immédiateté, où l'important est de décider maintenant des grandes orientations pour demain sans vraiment de recul sur les conséquences de nos actes ? Privilégions-nous le confort présent à l'envie de progresser dans le futur ? Et avons-nous encore vraiment confiance en l'avenir ?

Mes sources:
[1]     Courrier International H1285, page 14
[2]     http://www.theburqaproject.com, site anglophone

vendredi 19 juin 2015

Toujours plus de lois : toujours plus d'oppression ?


Ceux qui me connaissent dans la vie réelle le savent, je suis prompte à m'insurger contre toute nouvelle loi mise en place par un gouvernement (quel qu'il soit) visant à restreindre nos libertés et à nous interdire encore plus de choses. Je crois fermement que cette continuelle répression est contre-productive car elle donne inévitablement envie aux rebelles de transgresser, par principe, et dévalorise ceux qui suivent les règles par habitude ou conviction ; un parfum de mépris et d'infantilisation entoure nos dirigeants et ne nous incite ni à les respecter ni à nous intéresser à ce qu'ils font. Difficile en vérité de se sentir partie prenante d'une démarche citoyenne ou politique quand la seule chose que l'on pense recevoir de l'Etat est une punition ; dommage néanmoins car paradoxalement il est bien plus facile de faire passer la pilule lorsque l'on arrive à convaincre l'interlocuteur de l'utilité des méthodes employées pour parvenir au résultat final. En somme, une démarche pédagogique est préférable à une action en force.

D'un autre côté, ceux qui me connaissent savent aussi que je rouspète après certains tutoriels ou e-learning, notamment au travail, censés nous réapprendre (ou pire encore, nous "faire découvrir", selon leurs propres termes) les bases de la vie , comme "comment se laver les mains", et les pancartes qui ont fleuri partout dans les wc. Un bon exemple en date est "la meilleure technique pour tenir la rampe d'escalier quand on descend", une technique au nom ronflant présentée à l'issue de 30 minutes d'exposé obligatoire et consistant tout simplement à tenir la rampe tout au long de la descente... Vouloir éduquer les gens, je suis pour mais mon côté poil-à-gratter se satisfait mal de certaines pseudo-formations qui ont plutôt tendance à tirer les gens vers le bas que vers le haut.

Difficile de ne pas être agacé quand on essaie de respecter les règles et de bien faire, quand on abandonne une partie de son confort pour suivre l'effort général, et qu'en récompense on nous dit "ce n'est pas suffisant, les chiffres ne sont pas satisfaisants, on doit encore durcir les règles pour tout le monde". On se sent floué, inconsidéré, injustement mis dans le même panier que ceux qui dérogent à la règle ; et la sentence absurde qui nous tombe dessus le seul jour de l'année où l'on a fait un écart nous semble arbitraire. Et même si la loi s'applique à tous, dans une culture du "pas vu pas pris", cette sentence est effectivement injuste ; c'est un peu comme à l'école, quand toute la classe se ramasse une puningue à cause de deux ou trois agitateurs. Ceci dit, si nous ressentons de l'injustice, c'est parce que nous savons que toute l'année nous avons été de bons citoyens sans que personne ne le remarque, et que nous avons l'impression que l'on ne retiendra de nous que les rares erreurs ou transgressions, qui seront consignées dans le casier judiciaire ou le dossier de l'employeur. Il n'y a hélas pas de certificat de "bonne conduite", peu d'espoir d'obtenir un jour une quelconque reconnaissance pour avoir mené une vie exemplaire, juste un certain sentiment amer d'avoir été le dindon de la farce. Dans une société qui raffole de scandales et voue un culte à celui se place au-dessus des lois, il est plus facile de se faire remarquer en violant les règles qu'en les appliquant. Pourtant, qui a dit qu'être responsable était risible ? qu'être intègre était lâche ? que vivre en communauté était facile ? Il faut de la volonté, de la persévérance et de la conviction pour être un bon citoyen. C'est déjà quelque chose et on aurait tort de l'oublier.

mardi 16 juin 2015

Retour sur A mosque in a church ?

Suite au post d'hier, voici un lien pour approfondir la réflexion sur la conversion potentielle d'un certain nombre d'églises désaffectées ou vides en mosquées.
On apprend ainsi que la transformation d'une église en mosquée n'est pas courante mais qu'il y a eu des cas en France dans les années 1970-1980. L'article se penche sur trois expériences réussies, à Lille, Clermont-Ferrand et Graulhet, ainsi qu'un échec à Vierzon en 2012.

lundi 15 juin 2015

A mosque in a church ?

Ce matin, alors que je n'écoutais que distraitement la radio comme à l'accoutumée, une nouvelle a attiré mon attention : la proposition du président du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, de pallier à la pénurie de mosquées dans l'hexagone en utilisant des églises vides ou abandonnées [1]. La question qui m'a alors traversé l'esprit n'est pas de savoir si je me positionnais pour ou contre cette proposition - car pour ma part la réponse était instantanée - mais de connaître le devenir des vitraux et des éventuelles statues qui pourraient encore se trouver à l'intérieur des édifices mais n'auraient évidemment pas leur place dans une mosquée. En réfléchissant un peu je me suis souvenue de l'état de délabrement des quelques églises désaffectées que j'avais eu l'occasion de trouver sur ma route. Elles avaient manifestement été vidées de tout contenu et parfois même seuls certains éléments d'architecture rappelaient leur ancienne vocation. 
This morning, as I was as usual listening absent-mindedly to the radio, my attention was caught by a news: the proposal of the French Council for Muslim Cult (CFCM), Dalil Boubakeur, to use abandoned or closed down churches to remediate to the lack of mosques in France. [1] I didn't actually wondered whether I was for or against the project - to my eyes my position was quite obvious - but I wondered what would become of the stain-glass windows or possible statues which could still exist but had no place in a mosque. Then I remembered the state of advanced disrepair of some shut down churches I had been given the opportunity to visit: there was nothing remaining inside and most of the times, the arcades or architectural details were the last witnesses of their old calling.

L'idée de réutiliser des édifices religieux pour divers usages ne date pas d'hier. A Pau par exemple, l'ancien temple anglican de la rue O'Quinn a été reconverti en cinéma d'art et d'essai, tandis que celui de la rue Serviez a conservé sa vocation religieuse, mais accueille désormais une communauté réformée [2]. Bien entendu, chaque nouveau propriétaire commence par adapter le lieu à sa convenance. Ainsi, l'actuel temple réformé de Pau a-t-il été rendu plus sobre que l'église anglicane qui l'a précédé ; les statues ont été retirées ainsi qu'un certain nombre d'objets jugés pompeux ; néanmoins des traces des cousins anglicans subsistent, comme les superbes vitraux et les coussins appréciables sur les bancs ! En un sens, réutiliser ou reconvertir un bâtiment abandonné ou vide permet de lui donner à moindre frais une seconde vie, sans parler du caractère patrimonial ou sentimental de la manœuvre : nos ancêtres ont construit, souvent au péril de leur vie, des édifices monumentaux gourmands en ressources, à des époques où le peuple vivait dans des conditions difficiles ; entretenir et restaurer notre héritage commun est un moyen de leur rendre hommage. Mais ce n'est pas tout.
The idea of reusing religious building for other appliactions isn't new. In Pau for instance, the old Anglican church in O'Quinn Street has been turned into an arthouse cinema, whereas the one located in Serviez Street has kept its religious orientation but is now dedicated to Reformed cult. [2] Of course, when a new owner comes he starts by adapting the place to his desires: so has the current Reformed church in Pau been deprived of many objects considered as too luxurious or inappropriate, like the statues. However many souvenirs of the previous Anglican owners do still exist, as the splendid stain-glass windows and the nice cushions on the benches. In a way, it makes senses to give an abandoned building a second life by reusing it or converting it at low extra-cost. But there is also a patrimonial or sentimental aspect: our ancestors gave their lives building impressive monuments which swallowed many ressources at a time when modest people lived in difficult conditions; maintaining and refurbishing this shared heritage is a way to pay tribute to them. But there is more to that.

Les Chrétiens, les Juifs et les Musulmans - les trois religions du Livre - prient tous le même Dieu, et les enseignements sont tous centrés sur la Paix et l'amour (contrairement aux idées reçues, l'Islam est une religion de paix à l'instar du Christianisme, j'y reviendrai prochainement). Alors pourquoi faire une différence entre les lieux de culte ? Si dans la tradition catholique persiste l'idée de prière en l'église ainsi que l'usage possible de statuettes, crucifix ou images saintes dans la prière ou dans le culte, beaucoup d'autres croyants ont très peu de directives sur la manière de prier. Le réformé peut prier où il veut, y compris dans une pièce nue ou dans sa salle de bain, il n'a nul besoin de support. Et en Islam, tout comme dans le judaïsme, le critère n'est pas le lieu où l'on se trouve, mais l'endroit vers lequel on se tourne (resp. La Mecque ou Jérusalem). Aussi peut-on avec raison considérer que le plus important est la manière de pratiquer et non le lieu où l'on pratique.
Christians, Jews and Muslims - the three religions of the Book - do all pray one only God and their teachings all focus on peace and love (yes, in spite of all you can hear from the news, Islam IS a religion of peace and tolerance). So why should there be a difference between the place where they pray? It's true that in the Catholic habits remains the idea of going to church to pray or the use of statues, crosses or pictures of Saints to help focusing during prayer or cult; on the contrary a Reformer can pray wherever he wants, outside, in an empty room or even in his bathroom; he doesn't need a particular medium or place to pray. In Islam as in Judaism, the criteria isn't where people stand but which direction they turn to when they pray (respectively Mecca or Jerusalem). So we can with no excess consider that the place where we practice is less important than how we practice.

Parfois, la question de mélanger les confessions ne se pose même pas, car les structures manquent, ou bien les communautés sont trop petites ou dispersées pour avoir une véritable organisation. Prenons l'exemple des réformés en France (devenus récemment luthéro-réformés) qui correspondent à environ 1% de la population [3]. Bien que réformée, j'affirme avoir été plus souvent prier chez les évangéliques ou les catholiques que chez les huguenots, d'une part par souci de compromis vis à vis de proches catholiques, d'autre part tout simplement parce que dans certaines régions les temples ne sont pas légion ! Il en va de même à l'étranger : si en Norvège ou en Allemagne le luthéranisme (protestant) est la religion traditionnelle, dans d'autres pays, comme le Congo Brazzaville, les réformés "n'existent" pas : le protestantisme là-bas est purement évangélique. Si vous êtes réformé et que vous voulez continuer à aller au temple, il vous faut donc trouver un compromis. Cela peut paraître bizarre à première vue, voire irrespectueux, d'aller prier à droite et à gauche, mais tout dépend ce que l'on recherche dans le culte : si l'on est attaché au rite, il vaut mieux n'aller prier que dans les édifices correspondant à sa confession ; en revanche si l'on considère que le rite n'est pas important et que l'on se concentre uniquement sur la Parole (les lectures et le prêche ou sermon), on sera plus enclin à aller de temps en temps prier chez le voisin. Comme pour ma part, je recherchais avant tout la Parole, j'ai fait un peu de tourisme et je dois admettre qu'assister à d'autres rites (en particulier en Afrique) s'est révélé une expérience enrichissante.
Sometimes, we can simply not afford to raise the subject of whether or not we should mix the faiths because there are no buildings available or because communities are so small and scattered thay can't have a real organization. Let's take the example of French Reformers (historical Protestantism), who gathered a few years ago with Lutherans and who represent around 1% of the French population. [3] I'm a Reformer but to be honest since I'm born I have been praying more often in Evangelic or Catholic churches than in Reformed churches, first of all because my relatives are Catholic, but also because in many parts of France, they is just no Reformed church! Same thing abroad: if in Norway or Germany Lutherianism is an official religion, in some other countries like Congo-Brazzaville, being a Protestant means being Evangelic. So if you're a Reformer and want to keep going to church, you've got to compromise: either you go pray at the Evangelic church, or you go to the Catholic church. It may seems disrespectful as a first approach to go pray all over the places, but it all depends on what you're looking for: if you'll attached to the rituals then it'll be more fulfilling for you to attend the sermon only in the churches you belong to. But if you consider that rituals are not important and you focus above all on the readings, then it may become interesting to go pray at different places. As I was definitely oriented towards the readings and enjoyed the sermons, I visited many churches while living in Congo and I must admit that attending other rites turned out to be enriching.

Parfois, la coexistence de plusieurs religions sous un même toit est souhaitée et prévue dès le départ. C'est le cas du projet de Maison de l'Unité, édifice interreligieux pour lequel une collecte de fonds a été lancée mi 2013. Comprenant une mosquée, une synagogue et une église, cet édifice sera construit sur la place Saint-Pierre à Berlin et s'appuiera sur les restes d'une église vieille de 700 ans [4]. Les plans de l'architecte allemand Wilfried Kuehn prévoient une salle pour chaque religion, au même niveau et de même volume. Si la synagogue et la mosquée seront orientées vers le Sud-Est (resp. vers Jérusalem et La Mecque), il est possible que l'église soit orientée vers l'Est afin de permettre d'englober les orthodoxes. Une salle commune pourrait accueillir des événements à l'initiative d'autres religions, comme l'hindouisme. Depuis son lancement il y a quelques années, ce projet a reçu des réactions positives en provenance des fidèles de tous bords, de la société et des médias.
Making several faiths coexist under the same roof can also be a choice from the beginning, as in the House of One initiative, aiming at building an interfaith edifice, which started mid 2013 with a fund raiser. This building, which will be located on Place Saint-Pierre in Berlin, will include a mosque, a synagogue and a church, and will arise on the remains of an 700 years old church. [4] The German architect Wilfried Kuehn has made sure that all prayer rooms would be of same volume and on the same floor. The synagogue and the mosque will be oriented South-East (respectively towards Jerusalem and Mecca, and there is a possibility the church will be oriented towards East, to enable Orthodox to pray there as well. A fourth room will be dedicated to events related to other religions, like Hinduism. Since it was launched, this project has received good critics from society, medias and believers from all origins.

Revenons-en à la possible reconversion d'églises désaffectées en mosquées. Dans une époque où les divisions culturelles et religieuses n'ont jamais été aussi fortes et clivantes, nous avons besoin d'exemples de tolérance et d'intégration réussie. Je parle bien d'intégration car si certaines personnes s'inquiètent de l'augmentation du nombre de mosquées en France, il ne faut pas oublier que la répartition des édifices religieux va de pair avec une certaine mutation de la population. Nous ne sommes plus à l'époque où la France pouvait être surnommée la fille aînée de l'Eglise Catholique ! Je suis pour ma part intimement persuadée que musulmans et chrétiens français peuvent cohabiter, comme ils le l'ont fait des siècles durant dans certaines parties du monde. La cohabitation peut certes être source d'incompréhensions ou de tensions les premiers temps, mais l'Homme ressort grandi du partage et de l'échange avec autrui. Ce n'est qu'en dialoguant et en faisant un pas les uns vers les autres que nous apprendrons à nous accepter et à nous faire confiance.
Let's come back on the conversion of churches into mosques proposed by the CFCM. At a time when cultural and religious divisions are resulting in more and more cleavage, we need examples of tolerance and successful integration. I'm willfully using the word "integration"; let's not forget that the increasing number of mosques in France is the reflection of a change in society. In the past, France was deservedly called "the elder daughter of the Church", but things have changed since then. As far as I'm concerned, I'm convinced that French Muslims and French Christians can live together in harmony, as they've done it during centuries in other parts of the world. Cohabiting may be the source of misunderstandings or tensions at the beginning, but sharing and exchange with another do make us grow. It is only by listening and making the first step that we'll learn to accept and trust each other.

Pour finir, vous allez me tirer les oreilles, mais je vous rappelle qu'une mosquée à l'intérieur d'une église, cela s'est déjà vu... à la télé, au Canada, dans une série diffusée de 2007 à 2012 : Little Mosque on the Prairie, [5] réalisée par Zarqa Nawaz ! Cette série raconte justement la vie quotidienne d'une petite communauté musulmane dans une ville rurale du Saskatchewan, en commençant par l'arrivée d'un nouvel imam et l'installation de la congrégation dans la salle paroissiale de l'église anglicane dans le plus grand secret. La communauté et son imam se heurtent tour à tour à la méfiance des habitants, aux propos perfides d'un chroniqueur radio, aux gaffes pas toujours innocentes de la maire, au machiavélisme de l'un des prêtres anglicans qui souhaite les chasser, mais aussi et avant tout à leurs propres divisions. Si l'objectif de la première saison était de présenter au grand public divers courants de l'islam, des libéraux aux plus conservateurs, et de les sensibiliser à l'importance du dialogue interreligieux, les saisons suivantes prennent un tour plus humoristique et léger typique des séries tv canadiennes.
Don't be mad at me, but I couldn't resist concluding this article by highlighting that having a mosque in a church wouldn't be a first time. Remember a canadian tv show named "Little Mosque on the Prairie" and produced by Zarqa Nawaz, which has been broadcasted from 2007 to 2012. The show narrates the daily life of a small Muslim community in a country town in Saskatchewan, and it starts with the arrival of a new imam and the secret displacement of the prayer hall inside the Anglican church parish hall. Both the community and its imam will encounter the suspicion of the neighbors, the odious provocations of the local radio guy, the tactlessness of the mayor, the Machiavellian schemes of one Anglican priest who intends to ban them from the church building, but above all they will face their own divisions. The first season of the show aimed at introducing to a large audience some of the basis and specificities of Islam (and various opinions from liberal to more radical) and to raise awareness of the importance of interfaith dialogue. The next seasons however are more humorous and focus on the relationship between the main characters.

Mes sources:
[4]    Hebdomadaire Réforme, n°3573, Août 2014, page 7 et http://house-of-one.org/fr

samedi 13 juin 2015

L'instant poésie

Parmi mes poètes favoris se trouvent un certain nombre d'arabes et d'iraniens. Les cultures persanes et arabes ont en commun qu'elles ont donné naissance à de prodigieux artistes et scientifiques tout au long de leur Histoire. J'aurai l'occasion de revenir régulièrement là-dessus, car il s'agit de l'un de mes sujets favoris et je ne cesse de l'explorer.
Aujourd'hui, je vais vous présenter un poète arabe de la période Omeyyade (661-750 après JC) : Jamîl Buthayna, de son vrai nom Jamil Ibn Ma'mar. Il appartenait à la tribu Banu Udhra, dont les poètes étaient réputés pour leurs évocations de l'amour chaste [1]. Jamîl Ibn Ma'mar choisit d'ailleurs le surnom Buthayna en hommage à cette jeune fille d'une tribu voisine dont il tomba éperdument amoureux durant l'enfance. Bien que les sentiments aient été réciproques, la famille de Buthayna refusa toute union avec le poète et la jeune fille fut mariée à un autre. Mais leur amour perdura, bien que rendu platonique par la force des choses, et ils continuèrent à se rendre visite de temps en temps [2]. Jamîl Buthayna composa de nombreux poèmes pour sa bien-aimée, dont voici quelques extraits [3]

Je crains de  rencontrer soudainement la mort
Alors que mon âme est lourde de désirs inassouvis
Cependant lorsque je te rencontre, la rencontre
Me fait oublier de te dire mes épreuves.

********************************

Tous les amants exceptés nous
Jouissent ensemble des plaisirs de la vie
Or nous marchons séparément dans le monde
Comme deux otages prisonniers dans des camps ennemis.

********************************

Ils me croient ensorcelé, par son souvenir ravi
Mais je ne suis victime ni d'un sortilège ni d'une folie.
Il fut un temps où si l'on m'avait demandé
De choisir entre ma vie et l'éternité,
J'aurais dit : "Laissez-moi avec Buthayna un instant
A l'écart des médisants, ensuite prenez ma vie."
Si je veux consacrer un poème à une autre,
Il refuse, je le jure, de se plier à mon désir. 


Mes sources:
[3]     Le Dîwân de la poésie arabe classique, éd. Gallimard

L'amour au centre de la vie

Cet après-midi, comme il pleuvait à verses et que, je le reconnais, je n'avais pas grand-chose à faire à l'intérieur, j'ai décidé, une fois n'est pas coutume, de regarder un film. Mon choix s'est porté sur Le magasin des suicides, réalisé par Patrice Leconte en 2012, d'après l'excellent roman de Jean Teulé. Il s'agit d'un film d'animation qui s'inspire du roman sans toutefois coller entièrement à la trame. On y trouve un certain nombre de passages chantés, et l'ensemble est entraînant et rappelle l'atmosphère finale du roman.

Le livre quant à lui m'avait énormément plu pour son humour macabre et son dénouement à la fois triste et porteur d'espoir. Il raconte comment l'arrivée dans la famille du petit Alan, l'enfant perpétuellement joyeux, change la vie de tous ses proches qui, un à un, abandonnent la déprime et les tourments pour découvrir l'amour et le bonheur de vivre. Et lorsque cet enfant tombe du haut d'un immeuble, après avoir fait promettre à ses proches de ne pas être tristes de sa disparition car sa mission s'arrête là, on se demande s'il ne s'agissait pas tout simplement d'un ange venu du Ciel et rappelé ensuite. En tout cas, une chose m'a sauté aux yeux dès la première lecture : l'amour est indissociable du bonheur ; tous ces gens étaient malheureux car il n'y avait pas d'amour dans leur vie : le frère dépressif et névrosé, la sœur complexée et persuadée de n'être qu'une bonne à rien, en sont de bons exemples. Il leur suffit de trouver l'amour, sous forme d'une relation amoureuse ou d'une vocation qui s'épanouit, pour changer radicalement de vision de la vie.

Ceci fait écho à une conviction profonde qui m'accompagne depuis l'enfance : l'amour est au centre de la vie, il en est le fondement et le moteur. Quelles que soit ses déclinaisons : amour filial ou maternel, amour du prochain, amour d'un conjoint, amour de soi-même, amour de Dieu, à mes yeux la conclusion reste la même. Sans un peu d'amour, la vie ne vaut rien. Sans un peu d'amour, l'individu demeure une enveloppe sans âme. L'amour est un formidable moteur et une force inépuisable pour celui qu'il anime.

Cela me rappelle également une séance de sophrologie de groupe nommée, si mes souvenirs sont bons, technique tridimensionnelle. Il s'agissait, une fois plongé dans son monde intérieur, de vivre ou revivre tour à tour l'un des plus beaux souvenirs de notre passé, le meilleur moment de notre présent et une belle projection de soi-même dans le futur. Les images devaient venir spontanément et nous inspirer deux éléments : d'une part le ressenti de ce dont nous nous sentions capables au moment où se déroulait la scène, d'autre part une valeur associée à ce ressenti. Les valeurs et les capacités ainsi mises en valeur nous fourniraient en quelque sorte une carte d'identité de qui nous étions à l'instant présent, avec le passé qui nous a construit et nos rêves concernant le futur.

Comme je m'y attendais un peu, le merveilleux souvenir du passé qui est remonté est lié à toi, qui ne me liras peut-être jamais mais qui, je le sais, portes ce même souvenir dans ton cœur. Ce matin où nous nous sommes réveillés, à Paris, pour la première fois côte à côte... Nous avons tous deux ouvert les yeux et tourné la tête en direction l'un de l'autre, nous nous sommes souri dans la pénombre puis, refermant les yeux, nous nous sommes rendormis. A cet instant, j'étais emplie d'une joie indescriptible mais également d'un amour si pur et si intense qu'il me semblait capable de dépasser tout préjugé et toute entrave (et Dieu sait s'il y en a eu par la suite, des entraves !). La valeur associée à ce ressenti est l'amour de l'autre, de l'être cher.

J'ai été quelque peu surprise au moment de faire l'exercice avec l'instant présent, car ma vie actuelle ne me satisfait pas toujours et je suis très souvent en prise avec de nombreux questionnements. Je me suis trouvée dans une vue de mon appartement, paisible, seule mais non solitaire, entourée d'objets que j'ai choisis rassurants et chaleureux. J'ai ressenti les connections qui me rattachent à mes proches, à mes amis, aux voisins, aux gens dans la rue ici ou à l'autre bout du monde. Je me suis sentie les aimer et en moi s'est manifestée une grande force, l'intime conviction que quelles que soient les épreuves à venir (et jugeant de celles déjà passées, je ne peux que les imaginer difficiles), je me relèverai toujours. Cette conscience ancrée en moi prenait racine jusque dans mes tripes. La valeur associé à ce ressenti serait un mélange d'amour de l'humanité et d'amour de moi.

Si à la projection du passé et du présent, je n'ai pas pu empêcher quelques larmes de couler, elles furent bien plus nombreuses quand j'ai imaginé le futur. Assise dans l'herbe par une belle journée d'été, une nappe de pique-nique étalée devant moi et des bruits joyeux d'enfants et de cascades en fond sonore, j'ai senti mon cœur fondre quand j'ai vu un petit garçon en salopette bleue, aux cheveux blonds paille, se diriger vers moi les bras grands ouverts. Cet enfant ne correspondait à personne que j'aie connu et pour cause, dans cette scène, il était évident que c'était mon fils. J'ai alors ressenti une tendresse immense pour lui ainsi que l'idée que je serais capable, et désireuse, de tout lui donner ; de lui donner le meilleur de moi-même, de lui donner tout ce que je possède et même ce que je ne possède pas. Ce sentiment d'une profondeur stupéfiante m'a remuée les tripes à nouveau. La valeur que j'ai pu associer à cette projection est l'amour maternel.

En fin de séance, lorsque la sophrologue nous a invitées à considérer ces trois projections (passé, présent, futur) comme une continuité et une certaine définition de nous-même, j'ai eu le sentiment que tout était parfaitement logique et que le fil conducteur qui guide mon existence n'est autre que l'amour, sous toutes ses formes. Et cela est vrai : à mes yeux, l'amour est la chose la plus importante au monde ; un objectif à atteindre avant toute chose ; un inestimable trésor à conquérir et sauvegarder ; une foi à laquelle adhérer avec tout son cœur et toute son âme. Parmi les raisons de ma présence sur Terre, il y a le fait de recevoir de l'amour mais aussi et surtout d'en donner. Beaucoup de choses pourront nous atteindre, nous affaiblir, nous décourager ; mais la plupart de ces épreuves seront gérées, des problèmes se simplifieront ou bien l'on finira par accepter une situation sur laquelle on n'a plus hélas aucun contrôle. Mais au-delà des épreuves, au-delà des doutes et des émotions négatives, l'amour toujours renaîtra de ses cendres, échappant à toute règle, à toute logique. L'amour, quelle que soit sa forme, est la plus pure et la plus puissante émotion qu'il nous ait été donné de vivre.



De Jean Teulé, je conseille également: Les lois de la gravité.

lundi 8 juin 2015

Visite du centre de tri de Sévignacq

Dans le cadre de la journée mondiale de la sécurité, ce vendredi 5 juin, une visite était organisée dans le cadre de mon équipe de travail : il s'agissait de nous sensibiliser (ou plutôt de nous re-sensibiliser) au tri sélectif des déchets et au devenir des matériaux à recycler.
Rien à dire, la visite fut intéressante, nos hôtes étant manifestement passionnés par leur sujet et convaincus de la démarche. Un peu étrange néanmoins d'y aller dans le cadre d'une visite obligatoire puisque à mes yeux cela relève plutôt d'une initiative citoyenne et n'a aucun rapport avec le projet dans lequel je travaille (si ce n'est que nous émettons des documents papiers et consommons des briques de jus de fruit).


Le centre de tri de Sévignacq dépend du Syndicat Mixte de Traitement des Déchets (SMTD) qui gère également l'usine de valorisation énergétique (incinérateur) de Lescar ainsi que plusieurs plateformes de compostage ou stockage de déchets non dangereux. Le SMTD gère la partie Est des Pyrénées-Atlantiques soit un peu moins de 300 000 habitants regroupés sur 265 communes. Le SMTD s'inscrit dans une démarche éducative et propose un site internet complet décrivant ses activités [1] ainsi que des visites et des livrets pédagogiques à l'intention d'élèves de différents âges.

Le centre de tri est opéré par une entreprise de 45 salariés : agents de tri, chefs d'équipe, administratifs, logisticiens, ingénieur qualité, responsable des opérations... Les déchets sont mécaniquement séparés entre corps creux (bouteilles plastique, canettes...), corps plats (papiers, journaux...), et métaux (conserves...) avant d'être plus finement séparés suivant le type de matériau. Le process de traitement est très bien explicité sur le site du SMTD [2]. Les agents traitent plusieurs tonnes de déchets par jour, en 3/8, avec des cadences élevées puisque le centre fonctionne à plein et que l'objectif est de traiter, non pas tous les déchets à recycler de la zone (ce n'est pas possible), mais le maximum d'entre eux. L’œil aguerri de l'agent lui permet de discerner rapidement les matières qui n'ont pas lieu d'être sur un tapis roulant, néanmoins le tapis roule vite et il faut être constamment en alerte. Malgré des pauses régulières (toutes les 2 heures) c'est un métier éprouvant.

L'agent de tri responsable de la visite nous a donné un certain nombre de recommandations ainsi que les raisons pour lesquelles il faut - ou ne faut pas - le faire ; je vous en fais part car l'erreur est facile et les règles pas toujours évidentes. Pour ma part j'ai tendance à vouloir faire du zèle en matière de recyclage mais j'ai conscience de placer régulièrement dans les bacs jaunes des matériaux qui ne devraient pas y aller. Dès lors qu'un doute s'éveille, il faudrait vérifier mais nous n'avons pas forcément l'information sous la main et, pour notre défense, pas toujours le temps ni l'envie.
  • OBJETS: Ne sont recyclés que les EMBALLAGES. Un couteau de cuisine ou une scie, même 100% métalliques, ne seront pas valorisés et iront à l'incinération. De plus ces objets représentent un risque de blessure pour les agents de tri.
Cela paraît illogique, mais il existe une explication, purement financière : les fabricants d'emballages versent de l'argent au centre de tri pour disposer des déchets générés par leur activité, en fonction du tonnage d'emballages mis sur le marché. Si l'on y ajoute des déchets provenant d'autres sources, les fabricants se retrouvent à payer pour recycler des déchets qui ne proviennent pas de leur activité. D'un point de vue purement environnemental, on ne peut que se réjouir d'être en mesure de recycler "plus" de matériaux ; cependant pour l'industriel, il semble légitime de ne payer que pour la fraction de déchets dont son activité est responsable.
  • VERRE: Comme plus haut, le verre ne doit jamais être envoyé au recyclage, car outre le risque de blessure dans le cas où une bouteille brisée arriverait sur le tapis roulant, le verre parvenu au centre de tri sera envoyé à l'incinérateur pour être concassé Dommage quand on pense qu'il s'agit du seul matériau courant pouvant être recyclé à l'infini sans perdre ses qualités physiques.
  • DÉCHETS DE SOINS: Les déchets de soins (seringues pour auto-injections de médicaments) ne doivent absolument pas arriver au centre de tri. Les pharmacies fournissent gratuitement des containers plastiques pour le conditionnement des seringues usagées, mais une fois pleins ces containers doivent être déposés en déchetterie ou dans les pharmacies qui proposent de les reprendre. Les containers vides doivent suivre la même logique car personne n'a la preuve qu'ils n'ont pas été contaminés et leur évacuation suit son propre circuit à partir de la déchetterie ou de la pharmacie.
Il faut savoir que dès qu'agent repère une seringue sur le tapis il se doit de la retirer immédiatement (car ses collègues ne l'ont peut-être pas vue) et pour cela, il presse l'arrêt d'urgence du tapis qui stoppe toute la chaîne de production, y compris le compactage et le stockage des déchets compactés. Chaque interruption de la chaîne implique une baisse de la disponibilité de l'unité, c'est-à-dire des déchets qui ne seront pas traités car dans la mesure où le centre fonctionne à plein régime le temps perdu ne se rattrape pas.
De plus, si un agent vient à se faire piquer par une seringue (et plusieurs ont signalé que cela leur été déjà arrivé), la procédure systématique mise en place est lourde : dépistages et trois mois de trithérapie pour prévenir les risques liés au VIH (ce qui en cas de contamination ne fait d'ailleurs que "prévenir" puisqu'il est malheureusement trop tard). Imaginez l'impact psychologique sur l'agent et sa famille, en plus du risque physiologique lié à la maladie (en cas de contamination) ou du traitement (superflu voire dangereux en cas de non contamination) !
On pourrait arguer qu'un agent qui se blesse ne possède peut-être pas des gants adaptés à son poste. La question a été posée lors de la visite et on nous a répondu que le choix des gants est un compromis entre la nécessité de protéger les mains et un critère de praticité pour travailler, des gants trop épais ne permettant pas d'attraper et manipuler aisément les déchets. Il semble difficile d'imaginer une solution annulant totalement les risques, aussi mieux vaut tout simplement ramener les seringues en pharmacie.
  • POTS DE YAOURT/BARQUETTES ALIMENTAIRES : à ce jour, peu de centres de tri sont configurés pour les envoyer au recyclage, mais leur récupération se développe rapidement et dans un avenir proche on pourra les recycler partout en France, y compris à Sévignacq lorsque la construction du nouveau centre sera achevée. Néanmoins, en attendant ce jour, renseignez-vous à la mairie de votre commune pour savoir si les pots de yaourts et les barquettes sont ou non pris en charge par le recyclage.
  • CARTONS DE DÉMÉNAGEMENT: Les cartons de petite taille (paquet de gâteaux) sont admis, mais les gros formats (micro-ondes) doivent être amenés en déchetterie. La raison est simple : les cartons de grande taille bloquent le tapis roulant et obligent à arrêter les unités. Couper un grand carton en morceaux n'est pas non plus recommandé : il est plus facile pour les agents de tri de saisir un carton entier que des morceaux (pensez à la cadence soutenue qui leur est imposée). Pour les mêmes raisons, il vaut mieux éviter d'aplatir les cartons ou les bouteilles.
Il est tentant de faire du zèle et de placer dans les bacs jaunes des matériaux dont on soupçonne qu'ils peuvent être recyclés, même s'ils n'apparaissent pas sur les affichettes apposées sur les bacs. Néanmoins, pour faciliter le travail des agents de tri, il est préférable, en cas de doute, de placer ces matériaux dans les ordures ménagères. En effet, qu'ils passent ou non par le centre de tri, il y a de fortes chances qu'ils finissent à l'incinérateur. Or, la chaîne logistique est plus longue pour un matériau refusé au centre : au lieu d'aller directement à l'incinérateur, le matériau est en effet amené au centre puis rejeté par l'un des agents, stocké et finalement renvoyé à l'incinérateur, ce qui induit un coût supplémentaire. Et pour ceux qui se poseraient la question, sachez que le centre de tri est financé par le conseil général, la communauté d'agglo et les impôts des particuliers. Il est évident que l'objectif du centre de tri n'est pas de faire du profit (comment le pourrait-il vu le peu de valorisation des matières premières traitées ?), mais de traiter le maximum de déchets le plus efficacement possible, ce qui revient à minimiser les coûts pour la collectivité et les particuliers. On est là dans une logique très différente de celle d'une entreprise ou d'un commerce.


Notez également qu'en marge du tri sélectif des déchets, le Syndicat Mixte de Traitement des Déchets propose la location de gobelets réutilisables (pour les manifestations), le prêt de composteurs (pour maisons ou appartements), des autocollants "stop pub". Il mène également un programme local de réduction des déchets et suit la construction du nouveau centre de tri, de plus grande capacité, qui devrait ouvrir en fin d'année. Ceci vaut pour la partie Est des Pyrénées-Atlantiques mais si la problématique vous intéresse, je vous invite à vous renseigner sur ce qui se fait près de chez vous (quant à moi je serais ravie d'en apprendre davantage, alors n'hésitez pas à m'en faire part !).


Mes sources:
Pour les curieux, le process de l'usine de valorisation énergétique (incinérateur) de Lescar se trouve ici : http://www.smtd.info/_10_27_64.html. On apprend notamment que l'usine traite 80 000 tonnes de déchets ménagers par an et que l'électricité qu'elle produit (30 000 MWh) correspond à la consommation électrique de 20 000 habitants (soit environ 7% de la population locale).

dimanche 7 juin 2015

Esprit de contradiction et liberté

Je ne suis pas pour les interdictions. M'interdire quelque chose me donne envie d'outrepasser, rien que pour prouver que si je choisis d'obéir, c'est de mon propre chef, et non pas parce qu'on m'y oblige. M'interdire quelque chose m'apparaît comme une violation de ma liberté physique et intellectuelle, comme une transgression de mon libre arbitre. Et pire encore, m'interdire quelque chose me donne la désagréable impression que la personne pense savoir mieux que moi ce que je dois faire et qui je dois être. En tant qu'adulte, cela m'insupporte ; même si dans le même temps je suis convaincue du bien-fondé de l'interdiction.

Bien sûr, me direz-vous, il y a des interdictions "majeures" que l'on enseigne ou apprend dès l'enfance : ne tue pas, ne vole pas, ne te drogue pas etc. Ces interdictions sont pensées dans l'intérêt de la personne et il semble important (et légitime) de l'empêcher d'y contrevenir. Mais est-ce vraiment si facile que cela à entériner ? Je dois reconnaître que mon frère et moi avons eu de la chance que nos parents ne nous aient pas par exemple interdit de nous droguer ou de nous battre, mais qu'ils nous aient convaincus qu'il valait mieux pour nous ne pas le faire. Aujourd'hui, je mesure toute la différence entre ce qui se passait à la maison et ce qui se déroule dans la rue.

Nous avons toute une batterie de règles et d'interdictions visant, non pas à protéger la personne d'un danger quelconque, mais à protéger les autres du danger (ou des nuisances) qu'elle pourrait représenter. Il ne faut pas se garer sur une place "handicapé", il ne faut pas faire du bruit en pleine nuit, il ne faut pas jeter ses détritus sur le trottoir... Des panneaux et affiches fleurissent un peu partout et l'on finit par ne plus les voir, tant il y en a. Ces interdictions garantissent le respect de la liberté des autres et quand on se trouve parmi les "autres", on les trouve justifiées. 
Pourtant, je ne peux m'empêcher de songer que ces interdictions relèvent avant tout du bon sens et qu'une bonne compréhension de leur raison d'être et de leurs implications serait préférable à la législation (ou à la répression). Penser par exemple que la voisine peut avoir le sommeil fragile avant de mettre le volume à fond, plutôt qu'attendre que son mari excédé n'appelle la police (ou pire, se taise mais pourrisse votre réputation dans tout le quartier).
Cela reste bien sûr théorique et il se trouvera toujours quelqu'un pour déclarer qu'il se contrefiche du bon sens et - puisqu'on en parle - va dorénavant s'amuser à faire systématiquement l'inverse. Il faudrait en effet que l'être humain lève un peu le pied sur l'esprit de contradiction... qu'il arrête de jouer avec les règles pour voir s'il arrive à être plus malin que les autres... en somme qu'il accepte d'être un peu plus raisonnable ! Vaste programme, surtout si l'on considère qu'après tout nul n'est parfait et qu'une petite "folie" de temps à autre donne du piquant à la vie.

En attendant, ces interdictions sans cesse plus nombreuses me laissent sceptique, et parfois même agacée. Sans doute parce que, contrairement à l'époque où mes parents m'expliquaient les dangers de la drogue, je me sens infantilisée et non responsabilisée. Alors j'ai tendance moi aussi à me laisser tenter par l'esprit de contradiction. Dommage car je pense que la majorité silencieuse ne demanderait pas mieux que de respecter l'espace vital de son voisin, dans la mesure où le voisin fait de même. 

samedi 6 juin 2015

Des chiens et des enfants

Ce matin, en allant courir au stade près de la gare, j'ai été témoin d'une scène qui m'a émue. On raconte trop souvent des histoires dramatiques, on interviewe les victimes d'une injustice, on lance une alerte concernant un abus. De mémoire les histoires que je préférais gamine étaient celles qui relataient de belles actions, un geste de générosité, une présentation d'excuses sincères, un coup de main donné au moment opportun. Au journal de 13h (sur FR3 si mes souvenirs sont bons), il y avait à la fin une rubrique où l'on présentait les bonnes idées venues des quatre coins du pays, les initiatives bien inspirées, les histoires insolites. Cela permettait de terminer le journal sur une note optimiste.

Ce matin donc, je faisais des tours de stade ; à proximité, il y avait une mère avec ses trois enfants : deux filles d'environ 7 et 10 ans, et un petit garçon de moins de 3 ans. La mère courait puis jouait à la balle avec le petit ; les deux filles faisaient du vélo autour du stade ; chaque fois que l'aînée me croisait, elle me gratifiait d'un beau sourire et, souriant moi aussi, je faisais de mon mieux pour ne pas perdre le rythme.

Lorsque j'ai eu terminé mes tours, j'ai entendu, en provenance du parc qui jouxte le stade, un jeune homme appeler son chien et j'ai vu une sorte de bulldog foncer sur moi ; il n'était pas agressif, il avait juste envie de jouer et après m'avoir tourné autour en aboyant il a foncé vers les enfants. Son maître l'a appelé de nouveau mais c'était trop tard, le chien avait envie de courir et d'aller les voir. Il a tourné autour de la fille aînée puis est passé soudainement entre les deux plus jeunes assis dans l'herbe. La petite a crié et s'est mise debout, le petit frère, surpris, a eu très peur et s'est mis à pleurer avant de s'agripper à la jambe de sa maman. Le chien est reparti vers son maître qui lui a remis sa laisse avant de se diriger vers les enfants et la mère qui consolait le petit.

J'ignore ce qu'il leur a dit précisément, mais à ses gestes, je voyais bien qu'il s'excusait pour l'irruption soudaine du chien et voulait rassurer les enfants ; il leur a expliqué que le chien n'était pas méchant mais un peu fou-fou et qu'ils pouvaient le caresser sans crainte. Et effectivement, les enfants ont l'un après l'autre caressé le chien : d'abord l'aînée puis la cadette, et finalement le petit qui, bien que reniflant encore, s'est laissé approcher.

J'ai trouvé ce geste émouvant dans son humanité. Le chien était en liberté mais ne faisait de mal à personne. Les enfants ont eu peur mais ont été réceptifs aux explications du jeune homme qui a su dédramatiser la situation. La mère a été dans le même sens et a invité les enfants à "communiquer" avec le chien pour qu'il ne reste aucun souvenir négatif de cette rencontre. L'approche que l'on a lorsque l'on aborde autrui est déterminante dans l'issue d'une rencontre. La méfiance ou la colère auraient pu surgir, mais avec de la compréhension de part et d'autre, l'histoire s'est bien terminée. Et c'est cela que je voulais vous raconter.

vendredi 5 juin 2015

Au Commencement... était le blog !


Le mal être que je ressens actuellement est difficile à exprimer. Et pourtant, il est bien réel, ô combien réel ; il m’empoisonne la vie même ! Alors que d’autres se contentent de sortir diplômés de prestigieuses écoles et de mener ensuite une carrière vertigineuse couronnée de nombreuses promotions, sans jamais se poser la question de savoir s’ils sont sur la bonne route ou si leur remue-ménage a un sens, moi je ressens un profond malaise. Je sens que quelque chose sonne faux. Et je me heurte à ma conscience qui régulièrement me rappelle qu'elle n'est pas dupe et voit très bien qu'en dépit de ses remontrances, j’essaie de l’enfumer avec la promesse de changer de vie plus tard.
Une carrière fulgurante de manager ? Quoi de plus alléchant pour une "jeune cadre dynamique" bardée de diplômes, au potentiel technique et aux qualités humaines indéniables ? De la rotation, de l'expatriation, des missions aux quatre coins du monde... j'en ai eu un avant-goût, mon compte en banque et mon CV s'en souviennent. Mais si j'écoute mon cœur : NON, je n’ai pas envie de ce genre de vie ! Et pourquoi ? Parce que je n’en vois pas la finalité, que je trouve cela un peu creux ; parce que ce type de personnage me semble manquer d'authenticité, d'ancrage au monde ; parce qu’au fond de moi je sens que je n’ai aucune raison valable de me battre pour aller tout là-haut. Car si j’y arrive, au prix de nombreux efforts et sacrifices, je crains de regarder d’un coup en bas et de m’écrier : « ah bon ? c’est tout ? j’ai fait tout ce chemin pour ça ? » Je ne crois pas que la terre soit plus belle vue d’en haut, je crois qu’elle est belle pour tout le monde, quelle que soit la hauteur d’où l’on regarde. Le sommet n’est qu’une illusion. Encore et toujours ma conscience qui parle.
Pour moi, l’existence est ailleurs, dans les relations humaines, dans la famille, dans les découvertes techniques, dans l’observation émerveillée de la nature, dans le respect de l’environnement, dans la solidarité et l’interconnexion entre les cultures. J’aimerais participer à la construction d’un monde nouveau, plus humain, plus juste, plus respectueux et plus durable. Mais je ne sais pas comment m’y prendre ; j’ai envie de tout faire et paradoxalement l’immensité de la tâche à accomplir me glace et me dissuade de me lancer. Je n’arrive pas à déterminer quelle pourrait être ma contribution à ce monde, quelle tâche pourrait me revenir. "A quoi bon ?" me direz-vous. "Pourquoi se prendre la tête ? Pourquoi entreprendre une telle démarche ? Pourquoi ne pas se contenter tout simplement d'exister, comme le font certains ?" A cette question, je n'ai aucune réponse, si ce n'est l'impérieux commandement de ma conscience, toujours elle, qui refuse de me laisser mollir dans une pseudo-aisance douceâtre et atone. Elle ne me laisse pas en paix, elle revient sans cesse à la charge.
De plus, je veux bien changer mon approche de la vie, de mon environnement, mais je ne suis pas sûre que beaucoup de gens aillent dans le même sens. Nous nous sommes installés confortablement dans un modèle capitaliste dans lequel le seul chemin de réussite possible est « vers le haut », gagner toujours plus et devenir de plus en plus important aux yeux de la société. Je ne suis pas contre le capitalisme, car par le passé il a permis un accroissement de la richesse et le développement de nouvelles technologies. Et sur le principe il fournit une motivation valable à l’individu : on a besoin d’argent pour vivre et pour financer nos projets. Là où je ne suis plus le raisonnement, c’est lorsque pour de l’argent on commence à aliéner sa liberté, à étouffer sa conscience, à sacrifier sa famille, ses voisins et ses rêves de jeunesse. Cela peut venir vite et de manière insidieuse, et notre société a hélas basculé dans un capitalisme quelque peu outrancier. 
Je supporte également mal l’idée d’avoir une profession dans laquelle je ne renvoie pas directement une partie de ce que je produis vers les autres. Dans une multinationale, les gens sont tellement noyés dans la masse qu’ils finissent par ne plus savoir à quoi va servir leur travail ni à qui il s’adresse. De plus, j’ai conscience de ne pas vraiment travailler pour améliorer la production des hydrocarbures en termes de sécurité ou de récupération des réserves, mais plutôt pour produire rapidement un bénéfice satisfaisant les actionnaires. Je reconnais et admets leur implication financière dans l’entreprise, leur prise de risque et leur souhait de retour sur investissement. Mais je souffre de constater que de nos jours ce sont les logiques financières qui prévalent sur les aspects humains, et, pire encore, que ce modèle a bonne presse ! En invoquant un mélange de corporatisme et d'esprit de loyauté, on assimile parfois les salariés à des "dossiers" et on leur impose des trajectoires de vie auxquelles ils n'aspirent pas forcément mais dont les compensations financières assureront la tranquillité d'esprit de tous.
Serais-je pour autant prête à tourner le dos à ce modèle et à vivre en marge de la grande majorité des gens ? Je n'en suis pas certaine : le principe me plaît bien - je ne peux m'empêcher d'être admirative devant ceux qui ont eu ce courage - mais de là à franchir le pas, il y a un gouffre ! Outre tourner le dos à toute une éducation, ce qui du jour au lendemain ne serait pas sans laisser des séquelles, cela sonnerait le début d'un conflit perpétuel contre mes proches. Et soyons francs, il y aurait de fortes chances que je  régresse financièrement et l'idée de devoir me serrer la ceinture - alors qu'enfin j'avais réussi à pouvoir vivre sans compter chaque centime - ne me plaît guère. Alors comme la majorité silencieuse, je tais mes inquiétudes et j’essaie de continuer ma routine, laissant à d'autres le soin d'agir pour moi. Sans grande conviction néanmoins, car une nouvelle fois, ma conscience revient m’obséder jusqu’à me priver de sommeil et susciter en moi une colère qui n'a d'égal que le désarroi qui s'ensuit. J'en veux au monde tel qu'il est mais j'en veux avant tout à moi-même de ne pas avoir trouvé d'échappatoire à ce dilemme. D'alternative à mon indécision (vous pouvez remplacer cela par hypocrisie, je ne vous en tiendrai pas rigueur). Mais qui suis-je après tout ? Un être humain, avec ses qualités... et ses défauts !
Je suis intimement convaincue que chacun peut contribuer à sa manière à la construction d'un monde plus juste, plus tolérant, plus paisible, plus respectueux de l'humain et de l'environnement. Tout le monde n'est pas De Vinci ou Mère Térésa, tout le monde ne découvrira pas un remède pour éradiquer le paludisme ou un moyen infaillible de retarder la fonte des calottes polaires. Tout le monde n'offrira pas sa vie pour lutter contre la pauvreté ou les inégalités, tout le monde ne sera pas emprisonné pour ses convictions. Certains soutiendront des initiatives par un don ou un vote, d'autres inculqueront des valeurs de justice et d'amour à leurs enfants pour en faire des adultes responsables et généreux, d'autres enfin diffuseront un message de paix autour d'eux. Chacun a sa place dans cette démarche et chaque effort est le bienvenu. Moi-même, je ne prétends pas révolutionner quoi que ce soit - je n'en ai pas l'étoffe - mais j'aimerais apporter une petite pierre à l'édifice.
J'ai finalement choisi de faire ce que je fais de mieux : écrire. Ecrire, pour partager mon savoir, raconter ce que j'ai vu et entendu, relater des événements passés ou présents, questionner, essayer de bousculer certaines idées reçues, mais aussi pour rassurer, redonner confiance et espoir dans l'avenir, et exhorter à conserver enthousiasme, altruisme et esprit d'entreprise. Car je pense que l'avènement d'une société plus juste passera aussi par un élargissement des esprits et un approfondissement des consciences. Consciences citoyennes, consciences politiques, consciences sociales, consciences religieuses et culturelles... Mon idée n'est pas de traiter uniquement de politique ou d'économie - mes compétences sont bien modestes en la matière - mais de redonner à d'autres le goût de la découverte, de la curiosité, de l'espièglerie. Revenons à l'âge béni où chaque jour était une aventure et laissons-nous porter par les merveilles de l'existence !