On m’a fait il y a peu la
remarque suivante : « au 21e siècle, il serait grand temps
de faire la différence entre sexe et amour. Les deux ne vont pas forcément ensemble. »
C’est vrai. Manifestement, les
deux sujets sont déconnectables à loisir : moyennant finances, un sourire
ravageur ou un bon baratin, on peut facilement avoir du sexe. Si le compte en
banque est vide et le sourire peu engageant, le câble ou le Net permettront
d’élargir le champ des possibles. Les bars et les boîtes offrent quant à eux diverses
possibilités de rencontre, éphémères comme aventureuses. De nos jours, les
tendances s’affirment et se revendiquent : plus personne ne montrera du doigt un homme qui
aime les femmes… ni une femme qui aime les hommes, bien que dans l’imaginaire
collectif, les deux situations ne soient pas tout à fait comparables. Plus
récent, le phénomène des sex friends est également révélateur des nouvelles pratiques de notre société puisqu’il
s’agit de retrouver l’un(e) de ses ami(e)s et de passer la soirée à échanger
bons mots et fluides corporels !
Paradoxalement, le nombre de
séparations n’a jamais été aussi élevé, et les parents célibataires sont
presque devenus la norme. Quant aux célibataires « tout court », il
semble qu’ils soient nombreux eux aussi, mais ils sont difficiles à localiser
car toujours plus ou moins en relation avec quelqu’un.
La triste réalité est qu’à
l’instar d’un certain libéralisme économique en usage outre-Atlantique, notre
société se trouve progressivement gagnée par la mode de la « consommation
affective ». On se rencontre, on se connaît, on se consomme, mais ensuite
invariablement on se quitte, car le désir ne saurait remplacer l’amour
véritable, celui qui crée le manque de l’autre, qui nous tient éveillé la nuit,
qui donne naissance à autant de chaleur que de frissons et fait battre le cœur
avec une intensité inégalée. Bref, cet amour naïf que l’on ne maîtrise pas
toujours, qui se développe au moment où l’on s’y attend le moins - si possible de
manière saugrenue -, qui nous pousse à nous couvrir de ridicule mais qui porte
en lui, au fond, un délicieux goût d’absolu.
Aussi, je vous le demande : cette "banalisation" des relations sexuelles entre adultes consentants peut-elle vraiment nous aider à augmenter nos chances de rencontrer plus facilement cette personne si chère à nos yeux ? Cette personne auprès de laquelle la vie est si douce que pour rien au monde nous ne
voudrions la quitter ? J'en doute fort : il semblerait bien qu’à l’heure du sexe facile,
l’amour véritable n’ait jamais été plus difficile à trouver. Et dans ce cadre,
je ne suis pas certaine que multiplier les conquêtes et aventures dans l’espoir
de s’approcher d’un idéal plus ou moins bien délimité soit une solution
vraiment constructive.
Car si effectivement le sexe peut s’acheter, le véritable amour, lui,
ne s’achète pas. Il se donne résolument, tout entier, de manière désintéressée et en pleine lumière. Bien sûr, un tel amour est parfois pollué par un chouia de jalousie, un
soupçon d’insécurité, une pointe de déception - personne n’est parfait. Mais il
survit généralement aux épreuves de la vie, en raison même de la profondeur et
de la sincérité qu’il porte en lui.
Est-il judicieux dans ce cas de déconnecter ainsi l’amour et le sexe ? Pour ma part, il s'agit d'une aberration car l’un
ne va pas sans l’autre. L’amour constitue un pré-requis, un prétexte, pour
aller plus loin et non l’inverse. Je ne peux accueillir un homme dans mes bras si
je ne l’aime pas au préalable, car l’acte d’amour est par définition la concrétisation
charnelle d’un attachement spirituel et intellectuel. La même règle s’applique
à tous les contacts physiques, qu’ils soient fugaces ou plus appuyés. A contrario, que l’être aimé rentre dans la pièce et mon sang ne fait qu’un tour ; qu’il me regarde avec tendresse et mon cœur frémit de joie ; que sa main frôle
la mienne et un délicieux frisson m’envahit. Ce n’est pas plus compliqué que cela :
à mes yeux, l’excitation née du désir effréné de satisfaction personnelle ne
pourra jamais rivaliser avec les sensations décuplées que l’on éprouve au contact de l’être aimé.
Curieuse Tourterelle,
RépondreSupprimerTon dernier texte nous change des précédents !
Passer ainsi des coutumes omanaises, de ta fascination pour les pays qui bordent le Golfe persique au point de te dire avoir été arabe dans une vie précédente, de ton expérience du ramadan à la (dé)connexion entre le sexe et l’amour, ici, en France ! Diable !
J’ai aimé tes textes sur l’Oman, ta curiosité, ton ouverture d’esprit, une tolérance sans naïveté. J’étais déçu quand j’allais sur ton blog pour ne pas y trouver une nouvelle rencontre. Aborder le sexe et l’amour après nous avoir parlé du voile, quel décalage. Je m’étais fait à l’idée que ce blog était l’expression de ton amour pour ces pays, l’Oman notamment, et rien d’autre. Erreur !
Et tant mieux car ton texte m’a beaucoup intéressé. Parce qu’il aborde une question ancienne, qui revient en permanence et vécue par beaucoup à un moment de leur vie.
Tu commences par nous dire que sexe et amour sont manifestement déconnectables et termines en affirmant que les déconnecter est une aberration.
Qu’ils soient déconnectables, je suis de ton avis, c’est évident. Depuis longtemps, un peu partout dans le monde, quantité d’hommes et de femmes ont eu des rapports sexuels en dehors d’une relation amoureuse, portés par le désir.
Certes, tu le dis, une plus grande liberté sexuelle est certainement en partie la cause de l’augmentation du nombre de séparations. Mais ce n’est pas la seule, la plus importante étant plutôt, à mon avis, l’acquisition par les femmes d’une autonomie économique. Et pourquoi condamner ou même regretter cette liberté de se séparer quand on ne s’aime plus.
Tu reproches à cette banalisation des relations sexuelles de ne pas être le premier pas vers l’amour. D’une part, beaucoup de couples se forment, s’aiment après avoir échangé des baisers, des caresses intimes, de la tendresse. C’est même souvent comme ça que ça commence. Et d’autre part, pourquoi pas des relations où la recherche du plaisir est le maitre du jeu, le principal objet.
Aujourd’hui, pour moi, le Moyen-Orient c’est, entre autres, le sexe tabou, caché, la pruderie, une situation très inégalitaire des femmes, la répression des libertés sexuelle et amoureuse.
Et pourtant, cette région nous a aussi offert les Contes des mille et une nuits. Un récit fondé sur un érotisme librement consenti et un plaisir dénué de toute culpabilité. Ce n’est certainement pas un hasard si ce récit date de l’époque la plus florissante de la culture arabo-persane.
Toi, Curieuse tourterelle, tu ne reprouves pas la liberté sexuelle, tu lui reproches de rendre plus difficile la possibilité des rencontres amoureuses. Tu pourrais aussi ajouter qu’elle ajoute de l’insécurité dans la vie des couples !
L’amour n’est pas garanti. Ni celui de demain, ni celui d’aujourd’hui. A chaque instant, l’autre peut partir, comme le petit bonheur de Félix Leclerc. Parce qu’il ne voit plus le soleil dans notre demeure.
Joël.
Merci Joël pour ton commentaire !!!
SupprimerC'est vrai que ce blog a beaucoup été tourné vers le monde arabe, dont je souhaitais faire découvrir les multiples facettes... en mettant surtout l'accent sur les bonnes, car pour les mauvaises, il suffit d'allumer la télé et de regarder les chaînes d'info en continu. D'ailleurs tu as pu remarquer que ce n'est pas n'importe quel pays de la péninsule arabique que je mets en valeur : par exemple je ne souhaite pas m'étendre sur le cas de l'Arabie Saoudite parce que je sais d'ores et déjà que mes mots dépasseront ma pensée.
Je parle beaucoup d'Oman car pour moi, c'est une exception en termes de libertés pour les femmes et de tolérance vis à vis des autres cultures/cultes. J'apprécie le fait que parmi les businessmen les plus puissants du pays se trouvent des femmes, et que d'autres femmes soient présentes (quoique plus rares certes) dans les administrations et les instances gouvernementales. Enfin, si j'aime autant ce pays, c'est parce que sa religion officielle (l'Islam ibadi) le place du côté modéré, qu'ils semblent parvenir à concilier leur pratique religieuse et la vie moderne, et qu'en cela je trouve qu'ils sont un exemple.
Après, je t'accorde que le monde arabe est paradoxal, et sous les abayas on peut trouver des porte-jarretelles. Il y a beaucoup d'hypocrisie également... Mais quand je vois le puritanisme revendiqué de bon nombre d'Américains et les scandales politiques ou financiers qui sortent régulièrement, je me dis que finalement, l'hypocrisie est présente partout (cela dit en Europe, nous ne sommes pas non plus en position de faire la morale à quiconque).
Maintenant que j'ai achevé la rédaction de mon roman, je vais pouvoir me détacher un peu de la péninsule arabique, et j'ai envie de diversifier les sujets. D'ailleurs, je travaille sur un poème d'amour en ce moment ; peut-être le publierai-je sur le blog !
Au sujet de l'article : je te rejoins sur le fait qu'à l'époque où les femmes étaient dépendante financièrement de leurs époux, on divorçait moins, mais que ce n'était pas pour autant la preuve d'une meilleure entente dans les couples. Que l'on tourne le sujet dans un sens ou dans l'autre, on en revient au problème de la confiance que l'on porte - ou non - en l'autre.