Il y a quelques jours à peine a débuté
le Ramadan, un mois de jeûne et de spiritualité au sein de la communauté musulmane
installée de par le monde, événement que beaucoup de croyants attendaient avec
impatience.
Je suis d’ordinaire réticente à suivre
une pratique religieuse lorsqu'elle se décline sous forme de rituels et
d’injonctions qu’il convient d’observer sous peine de ne plus « plaire à
Dieu » (ou de voir se fermer les portes du Paradis). Mais depuis
longtemps, j’entends mes amies musulmanes dire que faire Ramadan est une très
belle expérience spirituelle, qui permet de transcender ses préoccupations
quotidiennes (manger, boire, faire de l’argent etc.) pour s’octroyer des
moments de rencontre avec Dieu et avec autrui. Depuis longtemps, je caresse le
désir de les accompagner sur ce chemin et cette année, j’ai décidé de passer
aux actes, non sans m’être au préalable approprié la démarche.
Si jusqu’à aujourd’hui, j’ai
chaque année fini par renoncer au jeûne, c’est parce que j’étais habitée par la
crainte de ne pas réussir à surmonter certains obstacles, principalement liés à
la durée de la nuit en période estivale et à la perturbation du cycle de
sommeil associée. En effet, si l’on tient à effectuer les cinq prières
quotidiennes1 (et cela n’est pas valable uniquement pendant le mois
de Ramadan) il faut en été se lever autour de 4h30 pour Subh (la prière de l’aube) et se coucher après 23h30, après la
prière d’Isha (la prière de la nuit).
Et ce, indépendamment de la charge de travail ou des obligations de la
journée ; j’ai d’ailleurs une admiration profonde pour les
ouvriers des travaux publics que j’ai croisés au Moyen-Orient et qui tenaient à
jeûner « dans les règles de l’art » en dépit de conditions
climatiques extrêmes.
Il est évidemment possible de se
recoucher après Subh ou de se relever
pour Isha, mais il faut parvenir à se
rendormir ensuite, ce qui est loin d’être gagné ; certains objecteront qu’il
suffit d’être complètement épuisé pour dormir ; ce qui est peut-être vrai
pour certaines personnes, mais pour d’autres, l’effet est inverse : plus
elles sont fatiguées, plus les nerfs sont à vif et moins elles arrivent à
dormir, jusqu’à ce qu’elles s’écroulent dans un état qui est plus qu’un simple
épuisement. J’ai connu aussi des gens qui préféraient ne faire qu’un seul repas
durant Ramadan, en général celui du soir après Maghrib (la prière de la fin de journée), pour profiter le matin
d’un peu de sommeil en plus ; la difficulté associée est que le sommeil ne
sera pas réparateur si l’estomac est trop chargé et qu’a contrario l’on
commencera la journée le ventre vide.
Il me semble que l’objectif
principal d’un mois de jeûne et de spiritualité est de laisser de côté ses
passions pour avancer dans son cheminement vers Dieu, en d’autres termes faire
montre d’un peu de sobriété et de se concentrer sur l’essentiel. Le but du
jeûne n’est absolument pas de se détruire la santé ni d’errer entre son travail
et son domicile comme un zombie incapable de retrouver sa route. Cela
m’attriste de lire qu’en période de Ramadan, il y a une hausse des accidents de
la route ou des rixes dans certains endroits parce que les gens sont
« énervés » par le jeûne, la fatigue ou la chaleur. De même, qu’entendre
des amies musulmanes me dire qu’elles avaient renoncé au jeûne car la
déshydratation associée à la fatigue déclenchait chez elles de terribles
migraines. Sommes-nous obligés de nous flageller pour goûter des moments
privilégiés avec Dieu ? Prie-t-on vraiment mieux quand on crève de faim et
de soif, que l’on a mal au crâne et que l’on se sent épuisé ? Je ne crois
pas.
J’ai donc décidé, non pas de
« faire Ramadan » dans son sens généralement admis, mais de consacrer
un mois au jeûne et à la prière, à mon rythme, en tenant compte de mes
capacités physiques et de la fragilité de mon sommeil. Jeûner la journée bien
entendu, et nourrir mon âme plutôt que
mon corps, mais conserver un minimum d’heures de sommeil consécutif et m’assurer
de ne pas me coucher l’estomac lourd. J’ai par conséquent décidé d’opter non
pas pour les horaires de jeûne en vigueur en France (ce qui correspondrait à
une période de jeûne de 18h) mais sur ceux en vigueur au Moyen-Orient (ce qui
correspond à période de jeûne de 14h). Après tout, c’est là-bas que la
révélation a été faite ! Cet arrangement me permet d’assurer les cinq
prières quotidiennes et de consacrer plusieurs heures à la spiritualité.
Après avoir longtemps tergiversé
sur le choix des textes à lire ou réciter pendant cette période dans la mesure
où j’avais commencé à me plonger dans l’exégèse de la Bible et que j’avais
envie de continuer (et puis tout simplement parce que je suis chrétienne !)
Mais je me suis vite rendue compte que la Bible ne se prête pas du tout à la
récitation ou à la lecture continue ; je me suis donc lancée dans la lecture
intégrale du Coran, dont je n’avais jusque alors jamais lu que des extraits et
encore, dans une traduction tellement littérale2 que la compréhension
en était malaisée. Sur les conseils avisés de musulmans français, je me suis
procuré une traduction plus abordable3 car tenant compte des
spécificités de la langue française (et pas uniquement de celles de la langue
arabe) et intégrant les exégèses des plus grands commentateurs. Ce n’est pas
que je sois forcément fainéante - je possède à la maison plusieurs livres d’exégèse
d’Ibn Kathîr ainsi que le Sahih Al
Boukhari - mais lors d’une prise de contact avec un texte nouveau, je ne
souhaite pas forcément l’attaquer de suite avec des commentaires poussés sur le
sens de chacun de ses mots.
Je m’efforcerai de rédiger un
article chaque semaine, ou tous les dix jours, pour dresser un état des lieux physique,
psychologique et spirituel, de ce que je perçois d’ores et déjà comme une
expérience intérieure enrichissante. J’ai commencé le jeûne le jeudi de l’Ascension (mue par une envie soudaine), aussi le premier article devrait-il paraître dans les prochains jours.
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1Les cinq prières
quotidiennes (ou salât) constituent l’un
des piliers de l’Islam, et sont les suivantes :
- Subh (l’aurore), aussi appelée Fajr (l’aube)
- Zuhur (la mi-journée)
- Asr (l’après-midi)
- Maghrib (le coucher du soleil)
- Isha (la tombée de la nuit)
2Il s’agit de celle du
Pr. Mohammed Hamidullah, qui a déclaré à son sujet : « Notre humble
traduction n’est pas élégante, nous en sommes conscient nous-mêmes plus que
quiconque, mais notre but principal a été d’être fidèle, du plus près possible,
à la langue arabe et au style du Coran. »
3Il s’agit de la
traduction réalisée par Mohammed Chiadmi.
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