vendredi 18 septembre 2015

Palestine : la Croix et le Croissant

Aujourd'hui, je ne résiste pas à l'envie de partager une curiosité découverte dans la newsletter "Books, l'actualité à la lumière des livres", parue le 15 septembre 2015, qui nous informe que le drapeau palestinien, adopté en 1929 à la suite d'une consultation, aurait pu représenter une croix et un croissant. [1] Ci-dessous, voici le bref article de Books :

"En 1929, le quotidien de langue arabe Filastin propose deux modèles de drapeaux pour la Palestine. Ses lecteurs lui soumettent, ainsi qu’aux représentants arabes de la région, une vingtaine d’autres dessins dont une moitié associe des emblèmes musulmans et chrétiens, rappelle le sociologue Tamir Sorek dans la revue Nations and Nationalism. C’est le drapeau issu de la Révolte arabe de 1916 qui a finalement été adopté pour représenter la Palestine et qui flottera bientôt à l’ONU."

Pour les curieux, le site crwflags [2] rassemble les différentes propositions de drapeaux faites en 1929 par le quotidien arabe mais également en provenance d'autres sources. Notons également en bas de page deux propositions datant de 2007 pour un drapeau binational Israël-Palestine. Le commentaire indique que si l'on se place dans une perspective neutre du point de vue israélo-palestinien, les deux drapeaux rayés peuvent s'avérer satisfaisants : tous deux reprennent les rayures caractéristiques des deux nations, tout en ayant supprimé pour l'un le triangle rouge, pour l'autre l'étoile de David.

Mes Sources
[1]     Bookletter "Books", du 15/09/15.
[2]     http://www.crwflags.com/fotw/flags/ps!.html

jeudi 17 septembre 2015

Paradoxes des sites de rencontre // Strange facts about match making sites

Si vous faites un sondage pour savoir qui de vos proches a déjà utilisé un site de rencontres, vous serez sans doute surpris de constater à quel point cette pratique s'est répandue depuis les années 90. Il existe aujourd'hui des milliers de sites de rencontres dans le monde, et on estimait l'an dernier à près de 20 millions les internautes inscrits sur le site Badoo.com, le plus grand site de rencontres à l'échelle mondiale. [1] Une étude de ces dernières années montrait d'ailleurs qu'un couple sur cinq se formait à la suite d'une rencontre via un site spécialisé. Et cela n'a rien d'étonnant. Demandez aux couples autour de vous comment ils se sont rencontrés et vous en trouverez forcément qui vont parleront d'Internet ; que ce soit par l'intermédiaire d'une plateforme de jeu, d'un site de rencontres amicales ou d'un site de rencontres amoureuses ou sexuelles. L'article Wikipédia consacré aux sites de rencontres [1] présente la variété des sites que l'on peut trouver : par affinités, par préférences sexuelles, par religion, par origine ethnique, par conviction politique etc.
If you ask around you who has already used the services of a match making site, you'll be impressed with the answer, as this habit has become very common since the 90's. Today there are thousands of match making sites around the world; in 2014 the number of subscribers to the services of Badoo.com was estimated around 20 billions! [1] A study on these past years evidenced that one couple out of five was a result of a meeting arranged through a specialized website. I'm not surprised: just ask to your friends and relatives how they met their partner and you'll certainly have some of them referring to Internet, whether it is through on-line gaming or through sites for making friends, finding love or promoting one-night stands. The Wikipedia article dedicated to match making sites (in its French version) [1] shows a large variety of match making sites, with a pairing by affinities, by sexual orientation, by religion, by ethnic origin, by political views etc.

Pour avoir un peu d'expérience en la matière, j'ai observé des comportements et réactions assez étonnants chez les hommes et les femmes. Dans la plupart des sites, ce sont les hommes qui contactent les femmes ; celles-ci se mettent en retrait et font le "tri" parmi les profils pour mettre de côté ceux qui les intéressent. Elles décident également de répondre ou non aux sollicitations par mail ou par chat. Normalement, tout devrait s'arrêter là. Sauf que beaucoup se plaignent d'être harcelées voire incendiées par des hommes qui se plaignent de leur manque de réponse. Il faut dire que sur ce genre de site, l'utilisateur est informé en temps réel de qui consulte son profil, qui le place dans ses favoris, qui "flashe" sur lui, et il peut demander des confirmations de lecture quand il envoie un mail. Et ce flicage constant rend la navigation sur ces sites insupportable.
I confess I have some experience in this matter, and I have witnessed some surprising behaviors or reactions from both male and female users. On most of the websites, the men will first contact the women who stay in the background and browse in the profile datebase to pick-up the one they find the most relevant. They also decide to reply or not to the solicitations, by email or on the chat. Logically that should be it. But many of them are complaining to be bullied or even yelled at by men who don't appreciate their silence. It has to be noticed that on this kind of websites, the user usually gets a real-time notification each time someone looks at his profile, adds him to his favorites, or "flashes" on him; he can as well request a read-notification when he writes to someone. All these options produce quite a policing atmosphere which on a long-term basis is unbearable.

Pour certaines personnes, ouvrir ses mails non lus et aller voir le profil de l'expéditeur indiquent clairement une volonté de poursuivre la discussion. Aussi, si le destinataire ne donne pas signe de vie dans les minutes qui suivent, l'expéditeur se sent rejeté et éprouve alors le besoin d'attirer son attention par des relances, des remarques plus ou moins amicales voire des insultes. Réagirait-il ainsi dans la vie réelle ? Je ne crois pas, mais le relatif anonymat du Net "l'autorise" à se lâcher et à faire ressortir ses instincts. J'ai ainsi eu le cas d'une personne qui voulait entamer une discussion par un simple "salut", puis, comme je ne répondais pas, a répété son salut avant de m'accuser d'être un profil bidon. Dommage pour lui, je n'ai pas répondu à sa provocation. Même chose pour un autre qui m'avait gentiment écrit mais n'a pas apprécié quelques jours de silence et a commencé à me lancer des piques particulièrement grossières. Celui-là a eu moins de chance : la dernière insulte m'a fait sortir de mes gonds et je lui ai écrit un mail ferme pour le remettre à sa place.
For some people, opening un-read email and visiting the associated profile demonstrate a desire to engage in a conversation. So if within a few minutes the recipient doesn't reply, the sender feels rejected and might want to attract attention with reminders or comments that can be gross or turn into insults. Do you think he'd react as well in a face-to-face conversation? I don't think so, however the fact that Internet enables him to remain almost anonymous gives him a free pass to be rude and act without any regards for his interlocutor.  I was contacted once by a man I barely knew and he started the conversation with a simple "hi". I found it a bit cheeky and didn't answer. I said "hi" again then accused me to be a fake profile, hoping I guess I would be mad at him and talk back. Unfortunately for him, I didn't want to raise his provocation nor enter his game. The same happened with another guy who had written nicely to me at first but couldn't stand my being silent for a few days. He started insulting me and this time I reacted with a lecture to put him back in his place. Then, as the insulting emails started to pour, I blacklisted him.

On trouve également des gens qui manquent tellement de confiance en eux qu'ils interprètent le moindre mouvement du destinataire comme porteur d'espoir ou de refus. J'ai par exemple reçu deux mails consécutifs d'un homme qui dans le premier m'invitait à venir voir son profil, et dans le second me disait : "Tu a été voir mais tu ne réponds pas. Bonne continuation." Même si je ne l'ai effectivement pas recontacté, j'ai souri devant sa hâte : à peine quelques minutes s'étaient-elles écoulées entre les deux mails ! J'aurais tout à fait pu mettre de côté son profil pour y revenir à tête reposée, comme je l'ai fait pour d'autres. Que Diable, je ne suis pas dans un supermarché pendant les soldes, avec mission d'attraper tous les articles qui passent à portée de ma main sans réfléchir ! Ce garçon trop pressé passe sans doute à côté d'occasions en renonçant si vite ; cela dit, j'ignore depuis combien de temps il surfe sur le site et combien de refus ou de silences il a pu essuyer, aussi ne suis -je pas en droit de le juger.
There are also people with such a huge lack of confidence that they interpret each and every action of the recipient as a "yes" or a "no". I got for instance two consecutive emails from a man: in the first one, he invited me to visit his profile and in the second one, he told me: "you visited but you're not replying. It's OK. Bye-bye!" Even if I didn't write to him in the end, I couldn't help smiling at his eagerness, because there were less than 5 MINUTES between the two emails! What if I had been in a hurry and just wanted to save his profile in order to visit it again later? Come on, I'm not in a mall during the sales, rushing to grab any article I can lay hands on without giving it a thought! This impatient man would surely miss many opportunities by drawing conclusions so fast; but I don't know his story, I don't know since when he's trying to find someone and how many silences or refuses he may have suffered, so this is not my place to judge.

Un très bon ami qui surfait sur le même site que moi m'a fait part de sa frustration face à la majorité des filles qui ne répondent pas aux mails de sollicitation. Je peux comprendre les deux partis. Il est évidemment désagréable de prendre le temps de rédiger un mail d'introduction pour convaincre son interlocutrice et de faire chou blanc. Du reste, la courtoisie la plus élémentaire voudrait que le ou la destinataire décline poliment l'invitation. Cela dit, les hommes savent-ils combien de mails une fille peut recevoir chaque jour ? Je vais vous le dire : plus d'une trentaine, sans compter les sollicitations par chat qui fleurissent dès qu'on a le malheur de surfer en mode "connecté". Il est possible de tout lire, mais répondre à chaque personne de manière un minimum personnelle relève du défi. Du reste, si certaines personnes reçoivent gentiment un refus, d'autres ont du mal à l'encaisser. Je ne suis pas partisane du silence radio, que je trouve à la limite de la correction, mais j'enrage lorsqu'il me faut trouver des justifications et répondre à "mais qu'est-ce que les autres ont de plus que moi?", "mais qu'est-ce que j'ai qui ne te plait pas ?". Car si dans le cadre d'une rupture après une relation de plusieurs années, on peut souhaiter analyser ce qui n'a pas marché afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs, expliquer de but en blanc à un parfait inconnu que l'on n'a pas envie de lui parler tout simplement parce que l'on n'est pas attiré par lui ou qu'il est le huitième à venir bavarder le même soir n'apporte rien aux interlocuteurs. Et la réalité est tout autre : je n'ai pas beaucoup de temps à consacrer au site, je sélectionne une ou deux personnes qui me semblent intéressantes - sur des critères purement subjectifs comme la photo, les hobbies, les aspirations, le baratin de présentation... - et j'échange quelques mails pour voir si une conversation sympathique s'engage ou pas. C'est cruel pour les autres, pour tous ceux qui restent sur le banc de touche, mais une seule et même personne ne peut s'occuper de tout le monde.
A very good friend of mine used the same match making site than me. He told me he got very frustrated to get absolutely no answer from most of the women, although he used to write very politely to them (I can testify!). Well I understand both sides. Of course it's unpleasant to spend time writing an email to introduce yourself and convince your interlocutor to start a conversation, and at the end to hit a brick wall. For the recipient, it would be the most basic politeness to write a few words of excuse to refuse the proposition. However do you know how many emails a girl may receive in one day on such web sites? From my own experience, it was more than thirty, and I'm not considering all the chat windows which magically appeared if you were reckless enough to connect in "available mode". One can find time to read all the emails but to answer each of them with a minimum of tact and good manners seems highly unlikely. Moreover if some people may welcome a negative answer with wisdom, some others are struggling when it comes to get over it. I'm not in favor of total silence - it's borderline in terms of common courtesy - but the worst is to have to find arguments to justify why I don't want to reply to "hi" right now and answer such questions as: "what should I do to make you interested?" or "why is wrong with me?". I totally understand the desire to analyze a past relationship, especially as a mean not to reproduce the same mistakes, but it only makes sense after breaking up with someone you have loved for years! It's useless to spend hours explaining to a complete stranger that we don't want to talk to him because we don't feel like it or just because there are already seven persons trying to talk to you and you can't be everywhere. And the truth is that I don't have much time for surfing, so I just pick one or two profiles which look interesting - for totally subjective reasons like the pictures, the hobbies, the aspirations etc. - and then I exchange a few short emails to see if a nice conversation arises. It may seem cruel for the others, for all those who are left behind, but I'm just one person, and one person cannot take care of everyone.

Du reste, il y a tous ceux qui vont "à la pêche" et copient-collent des mails impersonnels à chaque nouvelle fille qui s'inscrit dans l'espoir que l'une d'elles répondra. Il y a également ceux qui ne lisent pas les profils, en particulier la partie où l'on indique ce que l'on recherche chez un partenaire ; il y a toujours des casse-cous qui n'hésitent pas à se lancer alors qu'ils n'ont aucun point commun avec la personne concernée, voire qu'ils sont l'opposé de ce qu'elle recherche. A travers cette pollution visuelle, on comprend que certaines femmes baissent les bras et ne prennent plus le temps de se renseigner sur les expéditeurs. Des amies m'ont confié avoir fait des pauses de plusieurs jours ou plusieurs semaines, lassées d'être harcelées dès qu'elles se connectaient. Parallèlement, les garçons sérieux qui aimerait entamer des discussions profondes avec des filles paient pour tous les autres et se font recaler. A cause de ceux qui croient qu'ils peuvent tout se permettre. A cause de ceux qui trouvent que débarquer sur le chat avec un "slt" fera l'affaire. A cause de ceux qui pensent avoir les gens à l'usure. Si chacun était un peu plus honnête avec lui-même et plus clairvoyant, nous perdrions tous moins de temps !
Here is worse: some men just throw a net and "fish", by sending the same impersonal mail to every new female subscriber and hoping one of them will reply. Others don't read your profile - at least not the page where you explain what you're looking for as a partner - and claim they are your perfect match, although sometimes you and them have absolutely NOTHING in common. No wonder if some women just throw in the sponge and don't make time anymore to inquire about their interlocutors. Some female friends told me they felt so harassed as soon as they connected to the site that they had to take many breaks of several days to several weeks. On the other hand, earnest men who would like to engage in deep and sensible conversations with girls unfortunately pay for all the polluters and are turned down. Just because some think they'll get away with everything. Just because some think showing up on the chat with a "hi" is a good-enough introduction. Just because some think they'll get what they want just by grinding people down. So let's start to be a bit more honest with ourselves and a bit more perspicacious, and time will be used in a smarter way.

Source

mardi 15 septembre 2015

La Compagnie des Glaces

Parmi les romans ou séries littéraires qui ont marqué ma jeunesse, il y a un excellent roman-feuilleton que je recommande à tous les amateurs de science-fiction : La Compagnie des Glaces, de Georges-Jean Arnaud. Attention à ne pas le confondre avec l'écrivain Georges Arnaud, de son vrai nom Henri Girard (1917-1987), auteur notamment de l'excellent Salaire de la Peur (1950), dont la vie a été particulièrement mouvementée. [1]

Georges-Jean Arnaud est né en 1928 et compte à son actif plus de 350 ouvrages, ce qui le place parmi les auteurs français les plus prolifiques. En plus de son véritable nom, il a  publié sous divers pseudonymes, parmi lesquels Saint-Gilles et Gil Darcy. Son style oscille entre roman policier, science-fiction, espionnage, polar et roman de gare. [2] La Compagnie des Glaces se compose de trois parties :

  • La Compagnie des Glaces : 62 tomes, parus entre 1980 et 1992,
  • Les Chroniques Glaciaires : 11 tomes, parus à la fin des années 1990.
  • La Compagnie des Glaces, Nouvelle Epoque : 24 tomes, parus entre 2001 et 2005.

La saga a été récompensée en 1982 par le Grand Prix de la SF française (prix spécial), et en 1988 par le Prix Apollo. 

Elle met en scène un monde post-apocalyptique où la Terre traverse une nouvelle glaciation d'origine humaine : au cours du XXIe siècle, la Lune a en effet été massivement utilisée comme stockage de déchets nucléaires, jusqu'au jour où elle a fini par exploser. Les poussières et morceaux de Lune se sont alors accumulés en orbite autour du globe terrestre, bloquant les rayons du soleil et confinant la Terre dans une sorte de pénombre perpétuelle. Le froid y est devenu intense (de -80°C à -20°C suivant les zones) et la glace a tout envahi. La plupart des hommes n'ont pas eu le temps de s'organiser et sont morts de faim et de froid mais certains foyers de peuplement ont tenu bon et petit à petit l'Humanité a repris le dessus. [3]

Quelques siècles plus tard, les Hommes vivent entassés dans des conditions plus ou moins précaires dans des wagons, au sein de villes construites sous dôme pour les protéger du froid, et sur rails pour qu'elles puissent se déplacer. Le ciel est bas, la grisaille domine et à l'instar du ciel, les individus baignent dans une sorte de grisaille ; la vie est dure et personne ne se fait de cadeau. On ne se déplace plus qu'en train, en allant de ville en ville à la vitesse d'un tortillard, dans des compartiments bondés où tout le monde se méfie de tout le monde. Tout autre forme de déplacement est prohibée et quelques grandes compagnies ferroviaires se disputent le pouvoir, contrôlant les moyens de communication, la justice et l'approvisionnement en chaleur et nourriture, ce qui leur confère le droit de vie et de mort sur l'ensemble des individus. On assiste à une renaissance des dictatures s'appuyant sur le sentiment d'insécurité, les rumeurs et la peur de l'étranger pour intimer le silence à leurs subordonnés. [3]

Les éléments incontournables de ces Compagnies Ferroviaires sont les Aiguilleurs, une caste d'agents travaillant avec le pouvoir en place mais dont l'origine tenue secrète et les liens inter-compagnies sont suspects. Leur rôle est de faire respecter l'ordre mais également de veiller à effacer le maximum de traces du passé et d'empêcher toute vie hors des rails. Selon la devise des Compagnies : "La mobilité c'est la vie, l'immobilisme la mort". Des villes entières sont en perpétuel déplacement, punition ou simple ordre de la Compagnie, et dans les faits, personne n'ose s'aventurer sur les réseaux traversant les banquises réputées "fragiles". La psychose de la glace paralyse tous ceux qui ont à se déplacer de station en station et les tragédies qui se racontent de bouche à oreille ne font qu'amplifier le phénomène. Du reste, au fur et à mesure des rééditions, les Instructions Ferroviaires (l'équivalent de nos Atlas) sont dépouillées des informations qui pourraient permettre de sortir des sentiers battus : certaines villes sont ainsi rayées de la carte, figurativement ou littéralement, et les réseaux secondaires, moins surveillés, sont de moins en moins indiqués. Ainsi les Compagnies savent-elles en permanence qui se trouve où. [3]

Une race seule connaît la vie (et la liberté) en dehors des rails et des dômes : les hommes roux, hommes génétiquement modifiés plusieurs siècles auparavant pour supporter une température moyenne de -40°C. Hélas, dans le processus de modification génétique, une anomalie a entraîné une régression intellectuelle qui les place à mi-chemin entre les Hommes et les animaux. Porteurs d'une toison épaisse, ils vivent nus et sont en général nomades, mais on les retrouve de plus en plus souvent sur les dômes des stations, employés à gratter la glace pour faire entrer un peu de lumière en échange de restes de nourriture. Communément considérés comme des animaux (impudiques), ils évolueront au cours de l'histoire pour constituer une menace pour l'ordre établi, sous l'impulsion première des métis de Roux, qui seront ensuite évincés par les Natifs. Ils exigeront notamment la reconnaissance de leur peuple et formeront un territoire autonome, au grand dam des Compagnies qui perdront du même coup la majeure partie de leur main-d'oeuvre bon marché. [3]

Si les Aiguilleurs gardent un œil sur les Hommes et les Roux, leurs ennemis ne manquent pas, à commencer par les Rénovateurs du Soleil, une secte de scientifiques qui souhaite ouvrir une lucarne dans les nuages croûteux pour faire entrer les rayons du soleil et restaurer un climat vivable pour les Humains. Retranchés dans des zones reculées et quasi hors d'atteinte, ils travaillent à développer un laser géant pour attaquer les nuages et agréger les particules en suspension. Ils s'emploient également à développer des moyens de transport aériens permettant de s'affranchir du rail. Les Néo-Catholiques, fidèles au Pape de la Nouvelle Rome, forment également un contre-pouvoir intéressant. Sans oublier les Hommes-Jonas, une petite tribu d'hommes et de femmes vivant "à bord" de baleines qui leur apportent chaleur et nutrition. [3]

Dans ce climat d'angoisse et d'amertume, nous suivons Lien Rag, un glaciologue jusque là sans histoire, qui va se retrouver malgré lui témoin d'événements qui vont l'amener à remettre en question les dogmes des grandes Compagnies et à découvrir ce qui se cache derrière la propagande des livres d'Histoire. Tour à tour traqué par les autorités, sauvé par des rebelles, fraternisant avec les Roux ou protégé en haut lieu, Lien Rag va mener l'enquête pour retrouver ses origines et, ce faisant, va entraîner un véritable bouleversement de l'ordre établi. Si Lien Rag est clairement le héros de la saga, on trouve d'autres personnages d'égale importance : Yeuse Semper, ancienne danseuse de cabaret et grand amour de Lien Rag, qui après un parcours tout aussi mouvementé que celui-ci, dirigera temporairement l'une des Compagnies Ferroviaires les plus puissantes ; le Kid, ancien aboyeur du même cabaret qui explorera une partie de la plus dangereuse banquise au monde, y fera une découverte incroyable et créera sa propre Compagnie ; Jdrien, métis de Roux et fils de Lien Rag, qui par son charisme deviendra chef de file de l'une des plus importantes ethnies d'hommes Roux (leur "Messie") et se battra un temps pour leur liberté ; Frère Pierre, missionnaire néo-catholique auprès des Roux qui, particulièrement opportuniste, s'impliquera dans la lutte contre les Rénovateurs du Soleil avant de viser la Papauté ; Palaga, grand-maître des Aiguilleurs que l'on prétend immortel et qui dirige en coulisses l'ensemble des Aiguilleurs du monde... [3]

Je pourrais continuer longtemps comme cela, et je n'aurais fait que gratter la surface de cette saga prodigieuse. Une foultitude de personnages, un monde cohérent jusque dans les moindres détails, des aventures variées... de quoi ravir les amateurs de péripéties de tous âges ! Si vous avez l'envie - et le temps - de vous lancer dans la lecture de cette saga, vous ne serez pas déçus ! Seul inconvénient : malgré quelques rééditions depuis 30 ans, certains tomes sont difficiles à trouver aujourd'hui. Ne manquez pas l'excellent site non officiel de la Compagnie des Glaces : [3], véritable encyclopédie du monde des glaces.

Mes Sources

1661

Parmi mes découvertes récentes se trouve "1661", un roman historique se déroulant très logiquement en 1661, des mois précédant la mort de Mazarin à la disgrâce de Fouquet et à la naissance de Louis de France (premier fils légitime de Louis XIV). Ce roman a été co-écrit par Yves Jégo et Denis Lépée et publié en 2006. On y trouve une base historique que je crois authentique et une intrigue fouillée.

Le roman met en scène les personnages les plus influents à la Cour à cette époque : le cardinal Mazarin, la reine mère Anne d'Autriche, le roi Louis XIV, l'intendant des finances Colbert, le surintendant des finances Fouquet, mais aussi la future maîtresse du roi Louise de la Vallière. Autour de ces personnages se trament des complots, les alliances se font et se défont, les ennemis rôdent en quête des éléments de la disgrâce et le poison se présente tantôt sa forme chimique, tantôt sous une forme bien plus insidieuse : la calomnie. J'ai bien aimé ce roman et je vous le recommande vivement.

De nombreux internautes regrettent cependant que l'intrigue manque un peu de force, que l'on reste sur sa faim, et je ne peux pas les contredire. Jusqu'au bout, les découvertes s'accumulent, mais le roman s'arrête avec l'exil de l'un des personnages principaux qui se retrouve chargé d'une étrange mission. On voudrait connaître la suite.

J'ai apprécié tout particulier le personnage de Louise de La Vallière, à l'époque jeune fille de la Cour admirée du Roi pour sa fraîcheur et sa grâce. Melle de La Vallière fut la première maîtresse du Roi et elle resta en faveur jusqu'à l'avènement de la Marquise de Montespan qui gagna en influence jusqu'à finir par l'évincer en 1667. Peu de temps avant sa disgrâce, Melle de La Vallière, qui n'avait cessé d'aimer le Roi, composa le "Sonnet au Roi" et le lui dédia. Elle entra ensuite dans les ordres où elle mourut en 1710, au terme de 36 ans de vie religieuse. [1]

Sonnet au Roi

Tout se détruit, tout passe, et le cœur le plus tendre
Ne peut d'un même objet se contenter toujours ;
Le passé n'a point eu d'éternelles amours,
Et les siècles suivants n'en doivent point attendre.

La constance a des lois qu'on ne veut point entendre ;
Des désirs d'un grand Roi rien n'arrête le cours :
Ce qui plaît aujourd'hui déplaît en peu de jours ;
Cette inégalité ne saurait se comprendre.

Louis, tous ces défauts font tort à vos vertus ;
Vous m'aimiez autrefois, mais vous ne m'aimez plus.
Mes sentiments, hélas ! diffèrent bien des vôtres.

Amour, à qui je dois et mon mal et mon bien,
Que ne lui donniez-vous un cœur comme le mien,
Ou que n'avez-vous fait le mien comme les autres !



Mes Sources