lundi 12 juin 2017

Une expérience de Ramadan - Troisième Partie

La deuxième semaine de jeûne fut à la fois plus complexe et plus simple : j’avais pris le rythme et même si je luttais contre des aigreurs d’estomac qui me tenaient éveillée la nuit (j’ai compris depuis que cela fait partie des effets secondaires potentiels du jeûne), je ne souffrais que modérément de la faim et de la fatigue, y compris dans les jours qui suivirent mon don de sang. Je me consacrais à ce moment-là aux sourates Pré-Hégiriennes, c’est-à-dire aux sourates révélées entre 610 ou 612 et l’Hégire (en 622), qui traitent majoritairement du monothéisme, du Jugement dernier et de la résurrection, et introduisent les piliers de la foi.

Avant toute chose, j’aimerais clarifier la terminologie employée dans le Livre1 : le mot « mécréant » n’y figure pas et est remplacé par « négateur », plus proche de l’original arabe « kâfir », littéralement « celui qui nie ». Dans le texte, les mécréants à qui l’Enfer est annoncé ne sont donc pas ceux qui de près ou de loin vivent à l’Occidentale ou ne pratiquent pas la religion de la même manière que les intégristes (qui se plaisent pourtant à mettre ce mot à toutes les sauces), mais tout simplement les gens qui nient l’existence du Dieu Unique et combattent directement ou indirectement l’Islam (cela peut passer tant par des affrontements physiques que par des incitations à abandonner leur foi). Pour rappel, les attaques envers l’Islam étaient nombreuses à l’époque dans le cadre d’une Arabie polythéiste ; le message de Mohammed avait dès le début suscité de nombreuses oppositions, critiques et révoltes, et certains clans s’étaient même concertés dans l’intention d’assassiner le Prophète !

A peu près dix jours après avoir commencé mon jeûne (soit huit jours après le début de Ramadan), j’avais achevé la lecture de toutes les sourates rédigées avant l’Hégire, et j’avais également remarqué que beaucoup de ces sourates contenaient des arguments récurrents :
  • Dieu a créé tout ce qui nous entoure : le Ciel, la Terre, les arbres, les nuages etc. C’est Lui qui fait tomber la pluie, qui fait germer les plantes et sortir de terre les tiges, c’est Lui qui assure l’alternance du soleil et de la lune, le rythme des marées etc. Généralement, ces arguments étaient suivis d’une conclusion du type « ce sont pourtant des signes évidents pour ceux qui croient. »
  • Il ne sert à rien de demander à Mohammed d’opérer un miracle pour prouver sa légitimité en tant que Prophète car les miracles viennent seulement de Dieu ; or Celui-ci n’a pas jugé nécessaire d’y recourir pour convaincre les Hommes de croire en Lui.
  • Au jour du Jugement, Dieu punira sévèrement les négateurs et récompensera les croyants. Les premiers iront en Enfer où ils seront jetés dans un brasier ardent et se nourriront de pus et d’eau brûlante. Les seconds iront au Paradis où coulent de frais ruisseaux, où l’on se nourrit de fruits et de douceurs, où l’on est vêtu de soie et assis sur des coussins confortables, et où nos épouses sont belles et éternellement jeunes. Dieu seul connaît l’heure du Jugement et nul ne peut l’avancer ou la reculer d’une seule seconde.
  • Avant Mohammed, de nombreux autres prophètes ont été investis de la même mission de transmettre le message divin et d’avertir les négateurs de ce qui les attend : Abraham, Noé, Moïse, Loth, Hûd etc. Pourtant les hommes se sont à chaque fois détournés d’eux et les ont trahis, trahissant par là-même leur Créateur. Alors la vengeance divine s’est abattue sur eux et ils ont été punis à la mesure de leurs péchés. En règle générale la ville ou le royaume en question ont été totalement détruits (dans le cas de Noé, il s’agissait même de la Terre entière).
J’ai trouvé la lecture des sourates mecquoises enrichissante quoique un peu répétitive. Je reconnais avoir été gagnée par moments par une certaine impatience en retrouvant page après page les mêmes arguments visant à convaincre les polythéistes de croire à la Révélation2. C'est peut-être simpliste, mais ceux qui ont été insensibles à ces arguments la première fois ne le seront-ils pas tout autant la deuxième ou la troisième fois ? S’ils ne se laissent pas convaincre par tel ou tel argument, c’est visiblement que pour eux les « signes évidents » ne le sont pas ! Mais si l’on tient compte du contexte historique de la Révélation, on voit bien que le ralliement à Mohammed n’a pas été immédiat et que chaque sourate n’était pas forcément destinée aux mêmes personnes ; car entre temps, la situation sociale, géographique ou historique avait changé et le besoin de rappeler les bases se faisait sentir. Aussi les phrases précédentes ne sont-elles pas à prendre comme une critique mais comme la remarque d’une néophyte qui avalait sans doute les pages un peu vite.

Bien que le Coran soit venu confirmer les écritures datant d’avant la Révélation, la représentation de Dieu dans les sourates mecquoises m’a semblé à la fois proche et éloignée de l’idée que les gens du Livre se font de lui : on y trouvait à la fois le Dieu d’amour et de miséricorde des Évangiles et le Dieu sévère et guerrier du l’Ancien Testament. Le ton employé en ce qui concerne les négateurs était particulièrement véhément, à l’image je suppose des attaques portées par ceux-ci contre le Prophète et contre les premiers croyants. Les menaces de châtiment dans l’Au-delà étaient elles aussi on ne peut plus claires, et je peux imaginer ce qu’ont ressenti les habitants de La Mecque lorsque la Révélation leur est parvenue pour la première fois.

Pour ma part, si un certain nombre d’arguments faisant écho à ce en quoi je croyais déjà, l’approche dualiste récompense/punition avait de quoi m'interpeller ; un peu comme si, pour gagner le Paradis, il suffisait de soutenir mordicus deux ou trois croyances et d’adopter deux ou trois pratiques rituelles. Et le cheminement vers la foi dans tout cela ? Car si la foi « apparente » n’est que l’affaire de postures et d’actes publics et peut se décider sous un coup de tête, la foi « intérieure », qui s’enracine dans le cœur du croyant et l’accompagne dans les pires épreuves, ne se décrète pas ! D’ailleurs, il y est fait allusion dans le Coran lui-même : la lecture et la méditation du texte sont recommandées (de préférence la nuit où les conditions sont plus propices à la spiritualité) tandis que l’hypocrisie est vivement condamnée, et pas uniquement dans les sourates mecquoises ! Compte tenu du fait que le texte coranique a été révélé sur une période d’environ vingt ans (entre 610-612 et 632), il y a fort à parier que l’hypocrisie n’a jamais cessé d’être d’actualité (et qu’en dire de nos jours ?).

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1Traduction française de Mohammed Chiadmi.
2Mon sentiment était lié également au fait que les sourates étaient de longueur faible ou moyenne et que par conséquent j’en lisais plusieurs chaque jour. Aussi retrouvais-je à quelques pages d’intervalle des arguments qui avaient en réalité été présentés devant les négateurs sur des périodes de temps allant de quelques mois à plusieurs années.

vendredi 2 juin 2017

Ramadan experience - Part II

The first days of fasting period were a bit harsh: I didn’t really know what to expect and I was lacking preparation. To be fair, I didn’t plan actually to start fasting on Thursday 24 (day of the Ascension), but…I was having a walk in a park and I suddenly decided it would be my first day of fasting. Of course, I didn’t have a proper breakfast considering I’d eat more at lunch, and of course it was hot. However, in spite of starving all day long, I found kind of nice to spend the afternoon reading about religion; and I found amusing to pray at fixed times. Unfortunately, I did a huge mistake in the evening: I ate too much and slept poorly; I don’t even know if I managed to get one hour of sleep that night, as I had to get up early for breakfast.

The second day of fasting was by far the worst of all: because of tiredness, I spent the whole day fighting against a migraine which I could only get rid off by taking some medicine in the evening. For breakfast I had eaten quite a lot, in order to set a good example for next days and force my body not to ask for too much food at dinner. As a consequence, I felt dizzy when I left for my morning walk; the great air did me good though and when I came back I felt much better. I carried on reading, but not so avidly as the day before because I had an appointment outside (again it was so hot…). When I went back home I happily discovered in my mail box the translation of the Qur’an I was waiting for. Too tired to open it right now, I promised myself I would start reading it the next day, from 7 am sharp. On the second day of fasting, I missed zuhur (I was at my appointment), and completely forgot asr and maghrib; so I decided to set alarms on my phone not to forget them on the next days.

On the third day, things started to get better: I hadn’t made a full night but I felt refreshed, though tired; the migraine had gone for good and thanks to clouds in the morning, the air was chilly. I started devouring the Qur’an, reading first the numerous (and excellent) historical and theological explanations contained in the present edition, then reading the sûra in chronological order. I raise your attention on the fact I didn’t start reading the sûra in their order of appearance in the Book; at that time it appeared as a logical way to proceed in order to spot the evolution of the Revelation with time and as a smart approach as I truly think that in order to better understand scriptures, you have to put things back into their context first. In addition, by reading the sûra in chronological order, I avoided going back and forth in time and getting confused with the events. Usually, the sûra revealed in Mecca (before Hegira) are short, and so are their verses; they’re logically to be found at the end of the Book (the sûra are sorted by decreasing lengths, except from the first one, Al-fatiha, the Opening). I really liked this reading and on the fourth day, I spent several hours doing that. On the contrary I disliked having to pray at fixed hours: the alarm rang for zuhur whereas I was reading the Qur’an; for asr, I didn’t manage to join the prayer with my heart (I simply didn’t feel the need to pray at that time); for maghrib, I was setting the table and got surprised but this time, prayer went more easily.

So I would say that the first four days left me with mixed feelings. Giving up food was not really a problem, as I sometimes skip lunch when I’m on meeting or when I’m in a writing process. I still got some concerns about how well I would respond to tiredness, but after a few rocky nights I wasn’t dead, I was even feeling quite good. However I really disliked the praying at fixed times, which reminded me my retreat in Buddhist monastery when I felt kind of suffocating in front of all the rituals, before I finally found my feet. An inside voice was telling me to persevere, but I felt spiritually frustrated, and every night I wondered why I decided to engage into fasting this year inasmuch as there was no real difference with the hours I usually spend every day reading or writing on religious matters. A part of me wanted to give up and be free from this insane schedule, and I doubted that retreating from the world for one whole month to do “just reading and praying” could be fulfilling for anyone. My reaction was echoing my greatest fear in life: becoming enslaved to my agenda, being unable to pray whenever I desire or feel the need to, bridle my spirituality and confine it in-between the limits of a dogma or a rite.

Then I realized that I was maybe too severe when approaching the situation: on one hand I was setting the bar too high, and one the other hand I was lacking flexibility. I had given up all my regular activities to sit most of the day and read; surely it was enriching but at the end of the day, I wasn’t feeling closer to God, nor did I have the impression that my day had been of any use to anyone. I rushed through a basic and unappealing dinner, which I considered as a necessity more than a celebration, whereas I usually love cooking as much as eating. I absolutely wanted to keep away from heat and tiredness, so I stayed inside my apartment… but I live on my own so I didn’t even have the joy of sharing dinner with my family or friends. So on the fifth day, I started by reading the Qur’an for a while, but then I did the washing, the cleaning, the ironing, I cooked for several hours and I even got some time to visit a friend. Believe me, from this day on, I felt much better, at peace and less frustrated. I was less bothered by the prayer schedule. And I started to enjoy the experience, wishing it tocontinue.

Une expérience de Ramadan - Deuxième Partie

Le début de la période de jeûne fut un peu difficile : j’ignorais ce qui m’attendait et donc je manquais de préparation. Je n’avais pas prévu de commencer le jeudi de l’Ascension, mais… au cours d’une promenade vers midi, j’ai soudainement décrété que ce jour serait celui où je commencerais mon jeûne. Bien évidemment, je n’avais pas assez mangé le matin, pensant me rattraper à midi, et il faisait vraiment chaud. Mais mis à part l’estomac qui criait famine, c’était agréable de passer l’après-midi à lire des textes en rapport avec la religion ; prier à heures fixes m’a semblé plutôt amusant. Hélas, ce soir-là j’ai commis l’erreur de débutante de manger trop lourd et ma nuit fut affreuse ; j’ignore même si j’ai fini par m’assoupir, mais de toute manière je devais me lever tôt pour le repas du matin.

Cette deuxième journée de jeûne fut de loin la plus éprouvante : à cause de la fatigue, je me suis battue avec une migraine qui ne m’a lâchée que le soir quand, de guerre lasse, j’ai pris un cachet. Je m’étais forcée à manger copieusement le matin afin de prendre de suite les bons réflexes, mais au sortir de table j’avais une vague nausée. Finalement, le malaise s’est passé en allant marcher au parc à la fraîche. J’ai poursuivi mes lectures, mais pas aussi assidûment que la veille car j’avais un rendez-vous au dehors (et de nouveau il faisait chaud…). En rentrant, j’ai eu le grand bonheur de découvrir dans ma boîte aux lettres la nouvelle traduction du Coran que j’attendais [pour mémoire, celle de Mohammed Chiadmi]. J’étais trop fatiguée pour l’ouvrir de suite mais je me promis de commencer à la lire dès le lendemain. En revanche ce jour-là, j’ai manqué zuhur (jétais en ville) et totalement oublié asr et maghrib ; aussi ai-je décidé de mettre une alarme sur mon téléphone pour les jours suivants.

Le troisième jour, les choses ont commencé à s’améliorer : la nuit n’ayant pas été très longue, j’étais encore fatiguée mais je me sentais reprendre des forces, la migraine avait disparu et le ciel voilé avait amené un peu de fraîcheur. J’ai commencé à dévorer le Coran en commençant par les nombreuses explications historiques et théologiques présentes dans cette édition, puis en prenant les sourates, non pas dans leur ordre de classement, mais dans celui de leur révélation. Cela me semblait logique pour mieux comprendre l’évolution de la Révélation, et judicieux dans la mesure où il est important de replacer chaque texte dans son contexte. En lisant les sourates dans l’ordre chronologique, j’évitais les allers-retours dans le temps et les inévitables confusions. En général, les sourates révélées à La Mecque (soit avant l’Hégire) sont courtes ainsi que leurs versets, et se situent donc vers la fin de l’ouvrage (les sourates sont classées par ordre de taille décroissante, à l’exception de la première, la fatiha, que l’on nomme aussi l’ouverture). J’ai beaucoup apprécié cette lecture, et y ai consacré quelques heures le quatrième jour. En revanche, je n’ai pas aimé prier aux heures fixées : pour zuhur, l’alarme a retenti alors que j’étais en pleine lecture d’une sourate ; pour asr, je n’arrivais pas à me prier avec mon cœur (je n’avais tout simplement PAS envie de prier à ce moment-là) ; maghrib m’a surprise alors que je mettais la table, mais cette fois la prière est venue plus facilement.

Le bilan des quatre premiers jours s’est avéré mitigé. L’absence de nourriture ne me dérangeait pas, même si je ressentais la faim avec plus ou moins d’intensité suivant l’heure ; il faut dire que cela m’arrive de temps en temps de sauter le repas du midi lorsque je suis en phase d’écriture ou que j’ai une réunion. Il me restait une appréhension liée à la fatigue accumulée, mais je me rendais compte parallèlement qu’en dépit d’une nuit blanche et de nuits un peu courtes, je me sentais bien. En revanche, respecter le rythme imposé me déplaisait au plus haut point, et je retrouvais la sensation d’étouffement que j’avais ressentie lors de ma retraite au monastère bouddhiste, avant d’avoir trouvé mes marques. Même si une voix en moi me poussait à essayer encore, spirituellement je me sentais frustrée et chaque soir, je me demandais pourquoi j’avais décidé de faire ce jeûne, dans la mesure où je ne voyais pas beaucoup de différence avec les heures que je passe en temps normal à lire ou écrire en rapport avec la religion. J’avais envie d’arrêter et de reprendre ma liberté, je ne comprenais pas comment on pouvait s’estimer heureux d’avoir à se mettre en retrait de la sorte pendant un mois entier. Car voilà bien ma grande crainte : ne plus être libre de mon emploi du temps, ne plus pouvoir prier quand j’en ressens l’envie ou le besoin, brider ma spiritualité et l’enfermer entre les limites d’un dogme ou d’un rite.

Puis j’ai réalisé que mon approche de la question était sans doute trop sévère, que d’un côté je mettais la barre trop haut et de l’autre, je manquais de flexibilité. J’avais abandonné toutes mes activités habituelles pour rester assise à lire, c’était certes enrichissant mais je n’avais pas plus l’impression de m’être rapprochée de Dieu que d’avoir fait quelque chose d’utile de ma journée. En parallèle, j’expédiais le repas du soir que je jugeais purement utilitaire, alors que depuis toujours j’aime autant cuisiner que manger. Vouloir me préserver à tout prix de la fatigue et de la chaleur n’était pas forcément une bonne idée, d’autant plus que je vis seule et que vu l’incongruité de ma démarche, je n’avais même pas le bonheur de rompre le jeûne au sein d’une communauté. Alors, le cinquième jour, j’ai longuement lu le Coran mais aussi, j’ai fait la lessive, le ménage et le repassage, j’ai passé plusieurs heures à préparer des plats attrayants pour la semaine, et j’ai trouvé du temps pour rendre visite à un ami. A partir de là, je me suis sentie beaucoup mieux, plus en paix et moins frustrée. Les horaires de prières ne me dérangeaient plus autant. Et j’ai eu envie de poursuivre ce beau voyage.

mardi 30 mai 2017

Ramadan experience - Part I

Ramadan started a few days ago. This month of fasting and prayer is very important for the Muslim communities everywhere in the world, and many believers were looking forward to starting the fasting.

In the religious sphere, I’m usually reluctant to follow rituals, especially when they consist in orders and rites you must follow by the book OR you won’t please God anymore and the gates of Paradise will definitely close in front of you. However, for long years I have been listening to my Muslims female friends saying that fasting for Ramadan was a wonderful spiritual experience, which enabled them to transcend the daily life activities (such as eating, drinking, making money and so on) and grant themselves some very special moments with God and other believers. Since a long time, I was entertaining the dream to join them on their spiritual journey and this year I decided to take action. But first, I needed to adapt the journey to my own capabilities and expectations.

Until today I gave up every year the idea to engage into fasting because I was afraid not to be able to overcome some obstacles, mainly linked to the short duration of the night in Europ during Summer and the associated perturbation of the sleep. If you want to pray five times a day1 (not limited to Ramadan period by the way), you’ll have indeed to wake up at 4:30 during Summer for Subh (prayer at dawn) and go to bed after 23:30 after Isha (prayer at dusk), whilst carrying on the daily routine of work, home and family tasks. I really admire the construction workers I saw in Middle-East, who were anxious to fast by the book in spite of extreme climatic conditions.

You could say that it’s possible to go back to bed after Subh or to get up for Isha, and you would be right; however not everyone has the capacity to fall asleep again after waking up, standing and bowing. You’ll maybe answer then that you just need to be exhausted to fall asleep; maybe you can, but believe me, for some people, being exhausted just makes things worse: they’ll be on edge until they collapse, and they are at that time much more than just “exhausted” (I’ve been there). I know some people who prefer to eat only once a day during Ramadan - usually dinner, after Maghrib (prayer at sunset) - in order to spare a few moments of sleep in the morning; it looks smart but they’ll go to bed with a full stomach, sleep poorly, then start the next day on an empty stomach.

It occurs to me that the main goal of a whole month of fasting and prayer is to free oneself from his regular preoccupations or temptations in order to get closer to God; in other terms, to show some modesty and humility and to focus on what is really important. Fasting doesn’t aim at damaging people’s health or bringing them to wander on the streets like a zombie not able to find the way home. I’m always sad when I read that during Ramadan, there are more car accidents or altercations in some places because people get angry with hunger, tiredness or heat. It also saddens me when some Muslim friends tell me they gave up fasting because dehydration and tiredness had triggered persistent migraines they couldn’t get rid of. Do we really have to suffer that much to enjoy special moments with God? Are our prayers deeper and holier when we’re starving, have a strong headache and feel exhausted? I’m not so sure.

So I decided to fast, maybe not the Muslim way, but still; to dedicate one whole month to prayer and fasting, at my pace, while taking into account the limitations from my body (which may be extended if I notice that everything’s fine) and the extreme fragility of my sleep. I’ll fast during the day, I’ll get nourishment from spirituality instead of food, but in the meantime I’ll make sure I still get enough hours of sleep and that I will respect a reasonable gap between dinner and bedtime. More practically I decided to adopt the schedule used in Middle-East (a 14 hours fast) instead of the one used in France (a 18 hours fast), that way I can pray five times and still dedicate several hours each day to spirituality. And why not? Didn’t the Revelation take place in Middle-East?

After a long reflection on whether I should read the Bible or the Qur’an during fasting, I decided for the Qur’an. The choice of the Bible wasn’t idiotic in substance: after all, I’m a Christian, and these past months, I had been reading many exegetic studies and predications. So the perspective to go deeper and deeper in my own spirituality seemed enchanting. Unfortunately I discovered that the Bible isn’t fit for a continuous recitation or reading, whereas the Qur’an is “designed” to be recited. So I decided to read the Qur’an, and I hope to be able to complete the reading within the month. But first I had to purchase a new translation: until now I had only read some chapters (sûra) but the translation1 was so literal that even the general idea was very difficult to understand. Thanks to the advice of enlightened Muslims, I got another translation2, easier to understand because it takes into account the specificities of French (and not only those of Arabic) and includes the exegesis of the greatest Muslims commentators. Don’t think I’m lazy! At home I have several books by Ibn Kathir and even the Sahih Al Boukhari, however, when reading a text for the very first time, I’m not willing to consider right away all the comments and notes related to the meaning of each of the words in each of the sentences.

So during Ramadan, I’ll make my best to write one article every week, or every ten days, to describe the evolution of my state of mind, psyche and body. I already suspect that this experimence will be rewarding. As I started fasting last Thursday, two days early, next article should normally be issued before the end of the week.


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1Praying five times a day (salât) is one of the pillars of Islam. The prayers are the following:
Subh or Fajr (dawn)
Zuhur (noon)
Asr (afternoon)
Maghrib (sunset)
Isha (dusk)
Islam has five pillars: chahada (Muslim profession of faith), salât, zakât (charity), hadj (pilgrimage to Mecca) and fasting (sawm) during Ramanda.
2This translation has been performed by Pr. Mohammed Hamidullah, who explained in his introduction that he was totally aware that the translation wasn’t elegant, but he aimed at staying close to the style of original text and to Arabic.
3This translation has been performed by Mohammed Chiadmi.

Une expérience de Ramadan - Première Partie

Il y a quelques jours à peine a débuté le Ramadan, un mois de jeûne et de spiritualité au sein de la communauté musulmane installée de par le monde, événement que beaucoup de croyants attendaient avec impatience.

Je suis d’ordinaire réticente à suivre une pratique religieuse lorsqu'elle se décline sous forme de rituels et d’injonctions qu’il convient d’observer sous peine de ne plus « plaire à Dieu » (ou de voir se fermer les portes du Paradis). Mais depuis longtemps, j’entends mes amies musulmanes dire que faire Ramadan est une très belle expérience spirituelle, qui permet de transcender ses préoccupations quotidiennes (manger, boire, faire de l’argent etc.) pour s’octroyer des moments de rencontre avec Dieu et avec autrui. Depuis longtemps, je caresse le désir de les accompagner sur ce chemin et cette année, j’ai décidé de passer aux actes, non sans m’être au préalable approprié la démarche.

Si jusqu’à aujourd’hui, j’ai chaque année fini par renoncer au jeûne, c’est parce que j’étais habitée par la crainte de ne pas réussir à surmonter certains obstacles, principalement liés à la durée de la nuit en période estivale et à la perturbation du cycle de sommeil associée. En effet, si l’on tient à effectuer les cinq prières quotidiennes1 (et cela n’est pas valable uniquement pendant le mois de Ramadan) il faut en été se lever autour de 4h30 pour Subh (la prière de l’aube) et se coucher après 23h30, après la prière d’Isha (la prière de la nuit). Et ce, indépendamment de la charge de travail ou des obligations de la journée ; j’ai d’ailleurs une admiration profonde pour les ouvriers des travaux publics que j’ai croisés au Moyen-Orient et qui tenaient à jeûner « dans les règles de l’art » en dépit de conditions climatiques extrêmes.

Il est évidemment possible de se recoucher après Subh ou de se relever pour Isha, mais il faut parvenir à se rendormir ensuite, ce qui est loin d’être gagné ; certains objecteront qu’il suffit d’être complètement épuisé pour dormir ; ce qui est peut-être vrai pour certaines personnes, mais pour d’autres, l’effet est inverse : plus elles sont fatiguées, plus les nerfs sont à vif et moins elles arrivent à dormir, jusqu’à ce qu’elles s’écroulent dans un état qui est plus qu’un simple épuisement. J’ai connu aussi des gens qui préféraient ne faire qu’un seul repas durant Ramadan, en général celui du soir après Maghrib (la prière de la fin de journée), pour profiter le matin d’un peu de sommeil en plus ; la difficulté associée est que le sommeil ne sera pas réparateur si l’estomac est trop chargé et qu’a contrario l’on commencera la journée le ventre vide.

Il me semble que l’objectif principal d’un mois de jeûne et de spiritualité est de laisser de côté ses passions pour avancer dans son cheminement vers Dieu, en d’autres termes faire montre d’un peu de sobriété et de se concentrer sur l’essentiel. Le but du jeûne n’est absolument pas de se détruire la santé ni d’errer entre son travail et son domicile comme un zombie incapable de retrouver sa route. Cela m’attriste de lire qu’en période de Ramadan, il y a une hausse des accidents de la route ou des rixes dans certains endroits parce que les gens sont « énervés » par le jeûne, la fatigue ou la chaleur. De même, qu’entendre des amies musulmanes me dire qu’elles avaient renoncé au jeûne car la déshydratation associée à la fatigue déclenchait chez elles de terribles migraines. Sommes-nous obligés de nous flageller pour goûter des moments privilégiés avec Dieu ? Prie-t-on vraiment mieux quand on crève de faim et de soif, que l’on a mal au crâne et que l’on se sent épuisé ? Je ne crois pas.

J’ai donc décidé, non pas de « faire Ramadan » dans son sens généralement admis, mais de consacrer un mois au jeûne et à la prière, à mon rythme, en tenant compte de mes capacités physiques et de la fragilité de mon sommeil. Jeûner la journée bien entendu, et nourrir mon  âme plutôt que mon corps, mais conserver un minimum d’heures de sommeil consécutif et m’assurer de ne pas me coucher l’estomac lourd. J’ai par conséquent décidé d’opter non pas pour les horaires de jeûne en vigueur en France (ce qui correspondrait à une période de jeûne de 18h) mais sur ceux en vigueur au Moyen-Orient (ce qui correspond à période de jeûne de 14h). Après tout, c’est là-bas que la révélation a été faite ! Cet arrangement me permet d’assurer les cinq prières quotidiennes et de consacrer plusieurs heures à la spiritualité.

Après avoir longtemps tergiversé sur le choix des textes à lire ou réciter pendant cette période dans la mesure où j’avais commencé à me plonger dans l’exégèse de la Bible et que j’avais envie de continuer (et puis tout simplement parce que je suis chrétienne !) Mais je me suis vite rendue compte que la Bible ne se prête pas du tout à la récitation ou à la lecture continue ; je me suis donc lancée dans la lecture intégrale du Coran, dont je n’avais jusque alors jamais lu que des extraits et encore, dans une traduction tellement littérale2 que la compréhension en était malaisée. Sur les conseils avisés de musulmans français, je me suis procuré une traduction plus abordable3 car tenant compte des spécificités de la langue française (et pas uniquement de celles de la langue arabe) et intégrant les exégèses des plus grands commentateurs. Ce n’est pas que je sois forcément fainéante - je possède à la maison plusieurs livres d’exégèse d’Ibn Kathîr ainsi que le Sahih Al Boukhari - mais lors d’une prise de contact avec un texte nouveau, je ne souhaite pas forcément l’attaquer de suite avec des commentaires poussés sur le sens de chacun de ses mots.

Je m’efforcerai de rédiger un article chaque semaine, ou tous les dix jours, pour dresser un état des lieux physique, psychologique et spirituel, de ce que je perçois d’ores et déjà comme une expérience intérieure enrichissante. J’ai commencé le jeûne le jeudi de l’Ascension (mue par une envie soudaine), aussi le premier article devrait-il paraître dans les prochains jours.


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1Les cinq prières quotidiennes (ou salât) constituent l’un des piliers de l’Islam, et sont les suivantes :
  • Subh (l’aurore), aussi appelée Fajr (l’aube)
  • Zuhur (la mi-journée)
  • Asr (l’après-midi)
  • Maghrib (le coucher du soleil)
  • Isha (la tombée de la nuit)
Les piliers de l’Islam sont au nombre de cinq, parmi lesquels : la chahada (la profession de foi musulmane), la salât, la zakât (l’aumône), le hadj (le pèlerinage à La Mecque) et le jeûne (sawm) durant le mois de Ramadan.
2Il s’agit de celle du Pr. Mohammed Hamidullah, qui a déclaré à son sujet : « Notre humble traduction n’est pas élégante, nous en sommes conscient nous-mêmes plus que quiconque, mais notre but principal a été d’être fidèle, du plus près possible, à la langue arabe et au style du Coran. »
3Il s’agit de la traduction réalisée par Mohammed Chiadmi.

jeudi 4 mai 2017

Les lumières de haute mer

Depuis un certain nombre d'années, je suis devenue pharelandaise: plus précisément, j'ai rejoint la communauté qui s'est construite autour du site web Phareland, le site des phares de France. A l'occasion du vingtième anniversaire de la création du site, Alain, son fondateur et mon ami, m'a proposé d'écrire un petit texte en rapport avec la mer, les phares, la lumière etc. Le sujet était libre, aussi j'ai fait appel à mes souvenirs de vie en haute mer en évoquant la poésie que l'on peut y trouver la nuit, au près des torches et des monstres d'acier qui exploitent les gisements d'hydrocarbures.

Voici donc :

LES LUMIÈRES DE HAUTE MER


Pour moi, les phares ont toujours été indissociables de la mer. Cela tombe sous le sens dans la mesure où pendant des siècles, la navigation côtière n’a été rendue possible que par la présence rassurante de ces colosses de pierre signalant les dangers et veillant sur les intrépides qui osaient s’aventurer sur les eaux changeantes. Les phares font partie de notre quotidien, que nous vivions près des côtes ou au large. Ils sont un refuge dans l’obscurité, un repère dans l’immensité des ténèbres.

D’autres en parleront bien mieux que moi : je suis allée en mer, mais je ne suis pas marin. Du moins pas dans les faits, mais si vous entendiez ce que dit mon cœur chaque fois que je me trouve face à l’océan, vous pourriez vous poser la question. Mais revenons-en aux lumières dans la nuit.

Si dans le monde entier, les côtes sont jalonnées de lumières, vertes, blanches, rouges, à éclats ou à occultations, en haute mer aussi il y a des lumières, volatiles cette fois puisqu’il s’agit des flammes de torche des plateformes pétrolières. Tout comme l’on peut déterminer l’identité d’un phare suivant la nature et la couleur de son feu, on reconnaît en général une plateforme à la technologie et à l’inclinaison de sa torche.

Je sais que les gens de mer n’aiment pas trop entendre parler du pétrole, à juste titre, néanmoins j’ai croisé sur les bateaux de support et sur les plateformes un certain nombre de marins – capitaines, matelots, radios ou logisticiens, bien souvent des anciens de la marine marchande – qui avaient décidé de mettre leurs talents au service des industriels, et qui m’ont beaucoup appris au sujet des gens de la mer.

Ma première semaine de travail sur plateforme, je sortais toutes les nuits admirer les unités puissamment éclairées et aspirer l’air marin à pleins poumons. Quoique vieux et rouillé, ce monstre de béton et d’acier brillait de mille feux ; l’enveloppe de la nuit gommait ses défauts et lui offrait une seconde jeunesse. Je montais sur la plus haute passerelle pour contempler les équipements ronronnant en contrebas et avoir une vision panoramique de ce qui m’entourait. De là où j’étais je pouvais apercevoir la torche des sites les plus proches, tantôt vacillante, tantôt vigoureuse : tant qu’on la voyait, c’est que tout allait bien. Certains y verront un odieux symbole de la pollution engendrée par l’exploitation mondiale des hydrocarbures, néanmoins sa fonction première était de nous protéger. Et à l’instar du plaisir que l’on peut ressentir en contemplant la vivacité d’un chaleureux feu de camp, les flammes de la torche s’élevant dans l’obscurité faisaient naître en moi une douce quiétude.

Ce que l’on ressent en posant le pied sur une plateforme pétrolière dépend du type de site : le fracas des vagues qui se brisent contre les piliers de l’édifice quand la profondeur d’eau est faible, les incessantes et profondes oscillations de la coque, le roulis et le tangage lorsque des centaines voire des milliers de mètres nous séparent du fond de l’eau. J’ignorais d’ailleurs que l’on pût avoir le mal de mer sur une plateforme, compte-tenu de ses dimensions, néanmoins cela s’est vu, et il est vrai que par mauvais temps, nous nous sommes moqués de ceux qui avaient trouvé judicieux d’installer des fauteuils à roulettes dans les bureaux. Sur les bateaux de support, c’était différent : leur petite taille les prédisposait à suivre docilement la houle, et les nuits passées dans le confort de ma cabine furent les plus réparatrices de toute ma vie.

Il y a des choses que l’on ne vit qu’en mer, que seuls les gens de mer peuvent comprendre : l’attente parfois fébrile de la relève, l’étrange sensation de roulis quand on touche le sol après plusieurs mois à naviguer, les quarts de nuit où rien ne se passe mais où il faut néanmoins rester vigilent, la sincère camaraderie qui naît quand on traverse ensemble des coups durs, le ras le bol des nuits passées avec un ronfleur invétéré dans sa cabine, le collègue mal réveillé qui fait grise mine au réfectoire, et partout, la flotte : sur le pont, à l’horizon et dans le ciel.

C’est dans un tel contexte que j’ai découvert qu’à l’instar des lumières de la côte, les lumières des plateformes, qui témoignaient d’une présence humaine au beau milieu de l’océan, portaient en elles une poésie toute particulière.

mercredi 15 février 2017

Une expérience hébraïque (French-speaking article)

Au début de cette année, j’ai eu l’occasion de me lancer dans une initiative totalement inattendue : acquérir les bases de l’hébreu biblique. L’idée m’est venue par hasard, lorsque le pasteur de l’Eglise Réformée de ma ville a proposé une initiation pour ceux qui souhaitaient développer cette compétence afin, entre autres, d’être capable à terme de lire l’Ancien Testament dans le texte. « Encore une langue », me direz-vous, « n’en connais-tu déjà pas suffisamment ? Et qu’avais-tu besoin de t’encombrer d’une langue morte ? Le Grec ancien ne te suffit-il donc pas ? » Il y a du vrai derrière cette remarque, mais le fait est que j’ai vu derrière cette initiation une opportunité de dresser des ponts entre l’hébreu ancien et la langue arabe que j’apprends par ailleurs.

Car les ponts sont nombreux, sachez-le ! Ces deux langues possèdent chacun un alphabet qui provient d’une même origine, directe ou indirecte : l’alphabet araméen* (certains diront même l’alphabet phénicien, dont dérive l’alphabet araméen). Il est aujourd’hui communément admis que l’alphabet arabe dérive de l’alphabet nabatéen**, dérivant lui-même de l’alphabet araméen. L’alphabet araméen, non-cursif, aurait ainsi évolué pour donner entre autres une variante non-cursive, l’alphabet hébreu, et une variante cursive, l’alphabet arabe. Le tableau ci-dessous présente une comparaison des alphabets araméen, nabatéen, arabe, syriaque et hébreu, avec leur transcription phonétique en caractères latins (seules les 22 lettres « communes » à tous ces alphabets sont présentées).

Comparaison de six alphabets anciens (source : [1])

L’hébreu et l’arabe partagent également un certain nombre de particularités grammaticales ou orthographiques, sans parler du vocabulaire qui, en raison de la proximité géographique et des nombreux échanges entre les deux cultures, présente des similitudes troublantes.  Aussi ne serez-vous pas étonnés d’apprendre qu’elles se ressemblent, tant dans les règles d’écriture quand dans la grammaire ou le vocabulaire.

Voici donc le premier d’une série d’articles consacrés aux ressemblances entre l’hébreu ancien et l’arabe, qui paraîtront au fur et à mesure de mon apprentissage. Je peux d’ores et déjà souligner plusieurs points de convergence ou divergence :
  • L’hébreu s’écrit de droite à gauche (tout comme l’arabe) et comporte 22 lettres (contre 28 pour l’arabe), qui sont presque toutes des consonnes. Un système de vocalisation de l’hébreu, développé par des moines massorètes au Moyen-âge dans le but de figer la prononciation des textes sacrés, permet d’indiquer comment prononcer les syllabes, en adjoignant des symboles aux consonnes (à l’aide de signes dits diacritiques). La langue arabe fonctionne sur le même principe (les poèmes ainsi que le Coran sont vocalisés), mais ne compte que 3 voyelles brèves, a, i et ou (qui peuvent être allongées au besoin) ; l’hébreu en revanche en compte 5 : a, e, i, u (ou) et o, qui peuvent être courtes, longues ou très longues. Le shewa permet d’indiquer l’absence de voyelle, ce qui correspond au sukkun (°) en arabe.


Dans la vie quotidienne, la vocalisation n’est pas indiquée, ce qui rend difficile la lecture pour les débutants mais allège considérablement l’écriture et la lecture pour les natifs. Au bout d’un an et demi d’apprentissage de l’arabe, je peux vous dire que pour les phrases du quotidien la vocalisation est superflue, d’autant plus qu’il existe un certain nombre de règles permettant de la deviner ! A priori, il en va de même pour l’hébreu, ne serait-ce que pour savoir distinguer le o court (qamets ratouph) du a mi-long (qamets).

  • Certaines consonnes portent des noms similaires dans les deux langues, par exemple :
    • Mim en arabe (م), Mem en hébreu (מ), M
    • Nun dans les deux langues : ن et נ, N
    • Alif en arabe (أ), Aleph en hébreu (א), A ou esprit « doux » (en grec)
    • Sin et Chin, qui ne diffèrent que par le nombre de points (en arabe : س et ش) ou la localisation du point (שׂ et שׁ)
Ceci n’est pas un hasard : le nom des lettres de l’alphabet phénicien, ancêtre ultime de ces deux langues, n’étant pas connu, les linguistes leur ont appliqué la valeur (le nom) des mots que les pictogrammes hiéroglyphiques à l’origine des caractères phéniciens représentent. Par exemple : la lettre M a été « nommée » Mem car le hiéroglyphe dont découle la graphie de cette lettre se lisait « mêm » (ce qui signifie « eau » en hiéroglyphe).

  • En arabe comme en hébreu, la graphie de certaines lettres change lorsqu’elles sont placées en fin de mot. Toutefois, en arabe il peut aussi exister une graphie particulière pour le début et le milieu de mot (comme le ه), ce qui n’existe pas en hébreu.
  • Contrairement à l’hébreu, les lettres d’un même mot s’attachent en arabe, sauf celles qui font exception à la règle (د, أ, و, etc.).
  • L’ajout d’un daguesh en hébreu permet de modifier la prononciation d’une lettre : ב se lit v, se lit b, כ se lit kh, se lit k. En arabe, les points situés au-dessus ou en-dessous de certaines lettres permettent également d’en modifier la prononciation (ح se lit h aspiré, ج se lit dj et خ se lit kh).
En revanche, si dans l’écriture manuscrite, le mot arabe commence au-dessus de la ligne pour finir sur la ligne, il semblerait qu’en hébreu on écrive droit, en suivant la ligne, comme dans les langues latines.

Finissons avec quelques considérations plus amusantes : je vous propose une courte liste de mots dont les écritures en arabe et en hébreu sont voisines (les prononciations également).


Notes
*L’araméen, encore parlé de nos jours par des minorités chrétiennes et juives du Proche-Orient, a été la principale langue de l’administration et du culte pendant plus de 3000 ans, au sein des différents qui se sont succédés dans la zone. Une grande partie des livres de Daniel et d’Esdras a été rédigée dans cette langue, qui est aussi celle du Talmud. On pense que Jésus prêchait en araméen, bien que le grec ait été largement utilisé pour fixer les Evangiles. [2]
**Les Nabatéens étaient un peuple de l’Antiquité constitué d’éleveurs de moutons et de dromadaires, qui vivaient dans la tradition nomade au Proche-Orient (Sud de la Jordanie et de Canaan et Nord de l’Arabie). S’étant finalement sédentarisés au carrefour de plusieurs routes commerciales, ils ont donné naissance à un empire agricole et marchand prospère, dont témoignent les spectaculaires ruines de Petra en Jordanie. Leur civilisation a commencé à décliner lorsque l’Empire Romain, jaloux de leur influence dans la région, a commencé à privilégier les échanges avec Palmyre (Zénobie), avant de les englober au sein de la Province Romaine d’Arabie. [3]

Sources
[1]     https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l'alphabet_arabe
[2]     https://fr.wikipedia.org/wiki/Aram%C3%A9en
[3]     https://fr.wikipedia.org/wiki/Nabat%C3%A9ens