Bonjour à tous ! Une nouvelle fois, j'ai gardé le silence plusieurs semaines, moins par manque d'inspiration que par manque de disponibilité, en particulier géographique. En effet, j'ai vécu une expérience assez extraordinaire à Oman où je suis allée deux semaines début décembre ; puis le retour à la vie "réelle" m'a quelque peu consternée, avant que mon optimisme naturel ne refasse surface à l'occasion de la fête de Noël. J'ai l'intention de vous narrer mon voyage dans le Golfe, cependant l'heure n'est pas au récit d'aventures, mais à la poésie.
Pourquoi la poésie ? Tout simplement parce qu'en plus d'être un art à la portée universelle, elle constitue une aide appréciable dans la vie de tous les jours et un remède contre la morosité et l'agressivité ambiantes. Aujourd'hui, je souhaite vous faire découvrir mon auteur perse préféré: Anvari, de son véritable nom Awhad-od-Dîn Ali, qui a composé au XIIe siècle de notre ère un certain nombre de qacîdas, poèmes lyriques à la gloire d'un prince, dont les origines remontent à l'époque pré-islamique. Un autre maître des qacîdas fut Motanabbi , considéré comme l'un des plus grands poètes arabes de tous les temps. Anvari serait l'équivalent perse de Motanabbi pour son talent et l'étendue de ses connaissances.
Anvari est né à Abiverd, dans l'ancienne province du Khorasan ; cette ville aujourd'hui disparue se trouverait au Sud de l'actuel Turkménistan, près de la frontière avec l'Iran. Après avoir étudié au collège de Tous (ville dans laquelle fut enterré le Calife Haroun Ar-Rachid), il mena une vie "besogneuse" jusqu'à ce qu'il compose une qacîda qui le fasse remarquer par le Sultan Sandjar. Il vécut à la cour jusqu'à la mort de celui-ci puis se rendit probablement à la cour de Merv avant de tomber en disgrâce pour avoir prédit, grâce à un calcul astrologique, un orage pour une journée qui s'avéra parfaitement calme. Il finit ses jours en exil à Balkh, dans l'actuel Afghanistan, où naîtra au siècle suivant le poète et mystique soufi Rûmî. Aujourd'hui, il ne reste quasiment aucune trace des lieux dans lesquels Anvari a pu vivre : chacune des villes que j'ai citées a été toute ou partiellement détruite par l'invasion mongole menée par Tolui, le dernier des fils de Gengis Khan autour des années 1220.
Voici quelques extraits de la poésie d'Anvari :
Qu'est donc l'amour ?
Qu'est-donc l'amour? C'est subir des épreuves; c'est faire connaissance avec peine et chagrin, sentir la pointe de la dague du destin, se transformer en une cible pour sa flèche; c'est ne plus s'occuper de tous les autres liens quand on s'est mis au pied le lien de l'être aimé; et c'est pour la durée de toute l'existence, sous le pied du malheur que cause l'être aimé, rester courbé comme le bout de ses cheveux; c'est être devant lui simple atome dans l'air lorsque s'est dévoilé le soleil de sa face; c'est consentir à toute espèce de tourments; c'est renoncer à tout espèce de pouvoir; et c'est lui demeurer obstinément fidèle, fussiez-vous malmené par cent vexations; c'est servir au moulin de pierre inférieure, si même cet amour doit vous moudre les os.
Avantages des voyages
En voyageant, l'homme s'instruit ; il y gagne des dignités, y trouve un trésor de richesses ; le voyage enseigne talents. De ce pays où tu deviens méprisable aux yeux des humains, déménage rapidement pour aller vers un autre lieu. Si l'arbre pouvait se mouvoir et s'en aller de place en place, il ne subirait les offenses ni de la soie ni de la hache. Vivant dans sa ville natale, l'être humain reste sans mérite ; lorsqu'elle est encore dans la mine, la gemme n'a pas de valeur. Il faut que tu regardes bien l'état de la terre et du ciel : si l'une demeure immobile, l'autre sans cesse est en voyage.
Conseil
Si tu désires que ton œuvre soit la meilleure en ce bas monde, fais donc une de ces deux choses, car elle tiendra lieu du reste : ou de ce que tu sais fais profiter autrui, ou bien apprends d'autrui ce que tu ne sais pas.
Mes Sources
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Anvari
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Mutanabbi
Traduction perse des poèmes par Henri Massé, dans Anthologie Persane, Petite Bibliothèque Payot.
Anvari est né à Abiverd, dans l'ancienne province du Khorasan ; cette ville aujourd'hui disparue se trouverait au Sud de l'actuel Turkménistan, près de la frontière avec l'Iran. Après avoir étudié au collège de Tous (ville dans laquelle fut enterré le Calife Haroun Ar-Rachid), il mena une vie "besogneuse" jusqu'à ce qu'il compose une qacîda qui le fasse remarquer par le Sultan Sandjar. Il vécut à la cour jusqu'à la mort de celui-ci puis se rendit probablement à la cour de Merv avant de tomber en disgrâce pour avoir prédit, grâce à un calcul astrologique, un orage pour une journée qui s'avéra parfaitement calme. Il finit ses jours en exil à Balkh, dans l'actuel Afghanistan, où naîtra au siècle suivant le poète et mystique soufi Rûmî. Aujourd'hui, il ne reste quasiment aucune trace des lieux dans lesquels Anvari a pu vivre : chacune des villes que j'ai citées a été toute ou partiellement détruite par l'invasion mongole menée par Tolui, le dernier des fils de Gengis Khan autour des années 1220.
Voici quelques extraits de la poésie d'Anvari :
Qu'est donc l'amour ?
Qu'est-donc l'amour? C'est subir des épreuves; c'est faire connaissance avec peine et chagrin, sentir la pointe de la dague du destin, se transformer en une cible pour sa flèche; c'est ne plus s'occuper de tous les autres liens quand on s'est mis au pied le lien de l'être aimé; et c'est pour la durée de toute l'existence, sous le pied du malheur que cause l'être aimé, rester courbé comme le bout de ses cheveux; c'est être devant lui simple atome dans l'air lorsque s'est dévoilé le soleil de sa face; c'est consentir à toute espèce de tourments; c'est renoncer à tout espèce de pouvoir; et c'est lui demeurer obstinément fidèle, fussiez-vous malmené par cent vexations; c'est servir au moulin de pierre inférieure, si même cet amour doit vous moudre les os.
Avantages des voyages
En voyageant, l'homme s'instruit ; il y gagne des dignités, y trouve un trésor de richesses ; le voyage enseigne talents. De ce pays où tu deviens méprisable aux yeux des humains, déménage rapidement pour aller vers un autre lieu. Si l'arbre pouvait se mouvoir et s'en aller de place en place, il ne subirait les offenses ni de la soie ni de la hache. Vivant dans sa ville natale, l'être humain reste sans mérite ; lorsqu'elle est encore dans la mine, la gemme n'a pas de valeur. Il faut que tu regardes bien l'état de la terre et du ciel : si l'une demeure immobile, l'autre sans cesse est en voyage.
Conseil
Si tu désires que ton œuvre soit la meilleure en ce bas monde, fais donc une de ces deux choses, car elle tiendra lieu du reste : ou de ce que tu sais fais profiter autrui, ou bien apprends d'autrui ce que tu ne sais pas.
Mes Sources
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Anvari
[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/Al-Mutanabbi
Traduction perse des poèmes par Henri Massé, dans Anthologie Persane, Petite Bibliothèque Payot.
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