samedi 22 octobre 2016

Expérience insolite au Village des Pruniers

En avril dernier, j'ai vécu deux semaines de retraite de pleine conscience dans un monastère bouddhique en Dordogne. Je m'étais promis de partager cette expérience avec vous, mais le temps a passé et je me suis concentrée d'autres sujets. Pourtant, une retraite au Village des Pruniers (c'est le nom du monastère), est une expérience humaine et spirituelle si riche qu'il serait dommage de la passer sous silence.

Commençons par mes motivations, car en dehors des collègues asiatiques qui pour certains partent régulièrement en retraite de méditation, mon projet en a surpris plus d'un. Je voulais tout simplement apprendre à méditer en pleine conscience et la perspective de me couper quasi intégralement du monde pendant 15 jours me plaisait tout autant. J'avais tout d'abord regardé en direction des monastères catholiques mais la plupart des retraites étaient des weekends à thème et rien ne m'avait vraiment convaincue.

La vie au Village des Pruniers est une vie lente mais rythmée par une certaine discipline : lever à 5h, méditation jusque 7h, exercice doux jusque 7h45 puis petit-déjeuner ; "délices du ménage", activités communautaires (entretien, jardinage...) et marche méditative avant le déjeuner ; activités spirituelles (enseignements, partage du Dharma...) l'après-midi ; dîner à 18h et en attendant le début du "Noble Silence" à 21h, méditations ou temps libre. Le repas est généralement pris en silence et la nourriture est avalée en pleine conscience, c’est-à-dire avec une prise de conscience permanente des forces qui ont concouru à produire et transformer cette nourriture, puis à nous permettre d’en goûter la saveur et la texture et enfin de l’ingérer et de la digérer. D’ailleurs, chacune de nos actions, même la plus simple (marcher) ou la plus basique (aller aux toilettes) devait être réalisée en pleine conscience, éventuellement à l’aide de petites chansonnettes censées nous aider à nous concentrer sur l’instant présent.

La première semaine, j'ai rencontré beaucoup de personnes en crise : déchirure amoureuse, divorce, deuil difficile à surmonter, chômage, ... Elles venaient là pour se recentrer et reprendre confiance autant en la vie qu’en elles-mêmes ; les partages du Dharma étaient relativement lourds émotionnellement parlant et je me suis maintes fois retrouvée dans un rôle « d’assistante sociale » ou de psychologue. La deuxième semaine fut très différente : j'ai tissé des liens avec ceux qui comme moi étaient arrivés la semaine précédente et ils étaient en général rompus à la méditation et habitués aux retraites (comme Vipasana).

Je garde un bon souvenir de cette expérience mais je reconnais volontiers mes limites: si j'ai apprécié le silence et la lenteur avec laquelle nous évoluions au monastère, j’avais hâte de revenir à une vie plus mouvementée, plus excitante ; le climat de bienveillance était très agréable, mais accompagné d’une torpeur qui s’accordait mal avec ma nature passionnée. J’ai détesté la marche méditative, dont je ne voyais absolument pas l’intérêt et qui survenait à un moment de la journée où la faim commençait à me tenailler, jusqu’au jour où je me suis sentie bercée et étonnamment sereine lors de la marche ; à partir de ce jour, je l’ai attendue chaque midi avec joie.

Un autre exemple : la prière face à Bouddha, agenouillée et le front au sol (les « touchers de la Terre ») me mettait mal à l’aise au début, car je ne pouvais concevoir de m’incliner devant quelqu’un d’autre que Dieu en personne. Pourtant, une fois que j’ai compris que je pouvais sans gêne adresser ma prière à qui je voulais lors des cérémonies (et en particulier que cela ne dérangeait personne), je me suis pliée à ce rituel avec bonne volonté. Cette pratique est même une chose que j’ai gardée de mon séjour là-bas : je ressens une émotion particulière lorsque j’ai le front à terre et ce geste peut être adapté à toutes les prières, tous les fidèles, toutes les confessions.

J’ai apprécié le repas pris en silence, par contre j’ai détesté manger systématiquement froid, en particulier les jours de cérémonie où il fallait faire la queue longuement pour se servir avant de se rendre en procession dans la salle de cérémonie et attendre que les quelques cinq cents moines et invités soient installés et aient prié avant de commencer. Si chez moi je mange froid la plupart la plupart du temps, c’est volontairement (voire par fainéantise) et le menu est adapté à cette habitude ; je ne mange pas le riz et la poêlée de légumes à demi-tièdes. Si l’idée est de nous amener à prendre du recul vis-à-vis de la nourriture, je préfère autant jeûner ! Ma première action en quittant le monastère fut de commander un kebab et une bière ; malgré mon goût plus que modéré pour la viande, j’avais trop souffert du régime végétalien pour en garder l’habitude. En revanche, je n’ai pas remis de suite la musique, car j’avais pris goût au silence.

À la fin de l’été, l’émission "Sagesses Bouddhistes" donnait la parole à Sœur Prune ainsi qu’à un frère dont le visage m'était familier, tous deux du Village des Pruniers. L'objectif de l'émission était double : elle visait tout d’abord à présenter le mouvement Wake Up, qui a pour vocation d'encourager la pratique de la méditation au quotidien, en particulier chez les jeunes. [1], [2] L’émission revenait également sur les cinq entraînements à la pleine conscience formulés par le maître spirituel vietnamien Thich Nhat Hanh (également nommé Taï): le respect de la vie, le bonheur véritable, l'amour véritable, la parole aimante alliée à l'écoute profonde, et enfin la consommation responsable.

Les cinq entraînements énoncés par Taï sont bien plus complexes qu'il n'y paraît et, si certains ont choisi de s’engager à les respecter sans restriction (les « recevoir »), d’autres les considèrent tout simplement comme des bases de réflexion pour mener une vie plus saine et harmoniser les relations humaines. Ces préceptes, bien plus larges que la simple pratique religieuse, font partie de ce que l’on appelle le bouddhisme social, un bouddhisme engagé dans les grandes problématiques du monde actuel (l’environnement, la paix, l’économie…) et non plus uniquement centré sur la pratique religieuse. « Dans Small is Beautiful, l’économiste E. F. Schumacher soutient que, contrairement à l’économie de marché, l’économie selon Bouddha n’est pas fondée sur l’accumulation de biens matériels mais sur la purification de la personne humaine. Une recherche qui passe notamment par le travail, un travail digne et qui fait sens localement. » [3]

Sources
[3] Booksletter - 28/09/16

Unusual experience at Plum Village

Last April, I spent two weeks in a Buddhist monastery located East of Bordeaux for a mindfulness retreat. I wanted to share this experience with you but time has flown and I focused on other stuffs. However a retreat at Plum Village (that’s the name of the monastery) is a human and spiritual experience, so enlightening that it would be a shame not to talk about it.

Let’s start with my motivations because, out of some Asian colleagues who regularly leave on meditation retreats, many others were surprised by my wish to go. Simply I wanted to learn to meditate in mindfulness and the perspective to be isolated from the outside world during two weeks was a great part of my motivations too. I had first investigated the catholic monastery/convents but most of the retreats were thematic week-ends and nothing really had caught my eye.

Life in Plum Village is slow but follows a certain discipline: get up at 5am, meditation till 7am, soft exercise till 7:45 then breakfast; after breakfast, « the joys of housekeeping », community work (housekeeping, planting, gardening…) and meditative walk before lunch; in the afternoon, spiritual activities (teachings, Dharma sharing…) until the dinner at 6pm; at night, before the start of “Noble Silence” at 9pm, meditation or free time. We generally had dinner in silence and food was consumed in mindfulness, it means with a constant thoughtful awareness of the forces which have driven this food to be produced, transformed then ingested and tasted and savored by us. By the way, each and every one of our actions, even the most simple (walking) or intuitive (go to the bathroom) was supposed to be performed in mindfulness, with sometimes the help of little songs or lullabies to make us focus more easily on the present time.

On the first week of retreat, I met many people struggling with an external or internal crisis: romantic break-up, divorce, impossibility to get over a loss, unemployment… These people wanted to refocus on their priorities and get back their self-confidence and their hope in the future; the Dharma sharing sessions were rather heavy emotionally and many times I “intervened” (as far I was entitled to in this kind of environment) as a social worker or a psychologist, trying to get people to put their problems in perspective. On the second week, it was very different: I built bridges with some participants who arrived the same day I did and learnt a lot from them as most of them were much more into meditation and retreats (Vipasana for instance) than I was.

I kept good memories from this experience however I heartily confess ma capabilities were limited in that matter: I appreciated the silence and the slow rhythm in the monastery, but the day I left I was really looking forward to a more exciting life, a moving life; I liked the atmosphere of endless benevolence but there was also a sort of torpor that was starting to clash with my passionate and dynamic nature. I hated meditative walks at first: to me it made no sense to walk slowly in mindfulness while there were so many great things to watch, especially at a time of the day when I was starting to be very hungry; one day, unexpectedly, I felt fully serene and light during the meditative walk and since then I looked forward to doing it every morning.

Another example: at first I felt uncomfortable to pray in front of the Buddha, kneel down and touch the floor with my forehead (the Touchings of the Earth), because in my heart I should only bend over in front of God himself, and no one else. However, when I understood that during the ceremonies I could send my prayer to who I wanted and that no one seemed bothered by me praying my own way, I complied willfully with this ritual. More than that, this is one of the main teachings I decided to bring back from the monastery: I still feel something stronger when my forehead touches the floor during prayer, and I guess this gesture may be adapted to all prayers, all confessions and all believers.

I appreciated the silent meals, but I hated eating systematically cold, especially the days when there was a ceremony and we had to stand a long time in a queue to help ourselves prior to walking slowly to the ceremony hall to wait there for ages that all the guests and monks had gathered and prayed. It’s true that at home I sometimes eat cold, but that’s willfully (or by laziness) and I adapt the menu for that matter; I never eat fried rice and vegetables half cooled down. If the general idea was to bring us to step back from food, I’d have preferred the fasting! My first decision when leaving was to have a large kebab with a beer; even if I barely eat meat, I suffered too much from a vegan diet to keep on. On the contrary I didn’t listen to loud music for some time, I was enjoying the silence.

At the End of the Summer, the French TV program “Sagesses Bouddhistes”(“Buddhism Wisdom”) focused on two familiar characters from Plum Village, including Soeur Prune who lived in the same hamlet as me. The program aimed first at presenting the Wake Up initiative for encouraging young people to practice meditation on a daily basis. [1] [2] The program also focused on the five trainings to mindfulness expressed by the Vietnamese spiritual master Thich Nhat Hanh (Tai): respecting life, true happiness, true love, benevolent talking and deep listening, and finally responsible consumption.

The five trainings to mindfulness expressed by Tai are way more complex than they seem and, if some of us chose to commit to respect them without restriction (this is called “receiving the five trainings”), others (like me) just consider they are some bases of reflection to live a better life and harmonize the relationships between human beings. These principia are way larger than simple religious practices, and are part of “social Buddhism”, a branch of Buddhism engaged in the big problematic of the world (environment, peace, economy…) and not only centered on religious rituals anymore. “In “Small is Beautiful” the economist E. F. Schumacher claims that, contrary to the market economy, the economy based on Buddhism isn’t based on the accumulation of wealth or material assets but on the purification of the human being. Work is also part of this search, if it is honorable and makes sense locally.” [3]

Sources

jeudi 20 octobre 2016

Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles

Il n'y a pas longtemps, je suis revenue à une idée qui me trottait en tête depuis longtemps : m'inscrire au courrier de Bovet et entrer en contact épistolaire avec un détenu ; l'idée générale de l'association est de lutter contre l'isolement et la solitude en prison. [1] D'un simple contact peut découler une correspondance plus ou moins longue suivant les centres d'intérêts et les affinités. De là, je me suis souvenue d'un roman épistolaire que j'avais acheté récemment et qui prenait la poussière dans ma bibliothèque : "Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles", co-écrit par Suzanne Hayes et Loretta Nyhan. [2] Je l'ai lu rapidement et apprécié pour sa simplicité et la lenteur avec laquelle se développait l'action.
Not a long time ago, I went back to an idea I had in mind for some time: to register for penpal program (courier de Bovet in France) and start writing to a prisoner; the general idea of this association is to fight against isolation and loneliness in prison. [1] A simple contact may generate exchanges which can last more or less in time, depending on the centers of interest and on affinities. Then I remembered an epistolary novel I recently bought and forgot in my own library: “Petites recettes de bonheur pour les temps difficiles”, written by both Suzanne Hayes and Loretta Nyhan  (apparently it hasn't been translated into English yet)[2] I read it rapidly and I really appreciated it for its simple way of narrating and the low speed action.

Il y a quelque chose de magique dans la correspondance épistolaire ; j'ignore si c'est lié à l'expectative de trouver des nouvelles de son interlocuteur dans sa boîte-aux-lettres, à la joie de sélectionner ce que l'on va relater en imaginant d'avance la réaction de son partenaire, ou tout simplement au rythme lent mais intime de ce mode de communication. Une chose est sûre : la correspondance épistolaire est plus qu'utilitaire : c'est tout un cérémonial. Ouvrir l'enveloppe, en extraire une ou plusieurs feuilles, les déplier lentement, les toucher avec délicatesse, sentir le parfum de l'encre ou celui qu'une personne aimée a déposé dessus, presser les précieuses pages contre ses lèvres ou les serrer contre son cœur, le plaisir est réel pour celui qui sait prendre le temps.
There is something magical in epistolary novels; I don’t know if it’s linked to the expectation of discovering news from the person you’re writing to in your mailbox, to the satisfaction to sort what we’re going to relate while imagining how he or she will react when reading it, or simply to the slow rhythm of this intimate communication means. One thing for sure: epistolary correspondence is more than just useful: this is a real ceremonial. Opening the envelop, extracting one or several sheets, unfolding them slowly, touching them delicately, savoring the smell of ink or the perfume a loved one has spread on them, and finally holding the precious message close to his heart or to his lips. Pleasure is real for those who know how to take the time.

De la même manière, exhumer une correspondance ancienne est source d'émerveillement et d'excitation ; pour avoir trouvé un jour des liasses d'échanges entre mon père alors au service militaire et ses grands-parents, je peux l'affirmer. Quand bien même les échanges se limiteraient à des nouvelles du quartier et le récit de détails du quotidien, ces vestiges du passé renferment toute la tendresse de leur expéditeur, et lorsque de surcroît l'on a la chance de les connaître, le plaisir est décuplé par l'accès à leurs souvenirs.
In parallel to that, there is some excitation and astonishment to unearth old letters; I can confirm it, still remembering the day when I found a box of letters that my father, in the military at that time, and his grand-mother wrote to each other. Even when the exchanges are limited to news from the neighborhood or the account of daily life, these remains of the past bear all the softness of their expeditor, and when we get to know them in addition, then it’s even more fulfilling as we have access to their memories.

mardi 18 octobre 2016

La question du populisme // A matter of populism

Dimanche dernier, sur France 2, l'émission Présence Protestante avait pour thème le réveil des populismes en ce début de siècle, plus de quatre-vingt ans après la fin de la seconde guerre mondiale. Comme préalable à la discussion, une définition du populisme était proposée : "Le Populisme se définit comme un mouvement politique qui défend les intérêts du peuple. Aujourd'hui hélas il va souvent de pair avec la démagogie et les partis politiques extrêmes." [1]
Last Sunday, the program "Présence Protestante", broadcasted on the French TV (channel 2), addressed the threatening rise of populisms in our century, eighty years after the end of Second World War. As a start an attempt was made to define the word "populism": "Populism is a political movement which claims to define the interests of the people. However it is more and more often accompanied by demagoguery and extreme political formations."


Avant de prétendre défendre les intérêts d'un peuple, il convient tout d'abord de définir qui fait partie du peuple, ce qui revient à définir qui en est exclu. Après des siècles durant lesquels l'Homme a vécu dans une dynamique d'ouverture (parfois imposée par les événements), il semble aujourd'hui se refermer sur lui-même et sa communauté ; cette tendance n'est d'ailleurs pas forcément à blâmer dans la mesure où elle témoigne de la nécessité de restaurer un équilibre entre une ouverture peut-être excessive et un isolement regrettable.
First of all, in order to defend the interests of the people, it is mandatory to define who is part of the people, and who isn't. After having lived for centuries in an ideal of opening to the unknown in the world, it seems today that men tend to grow back on themselves and their own community; this tendency isn't necessarily bad as it goes with the necessity for men to find a balance between an opening which may be excessive at some point, and a regrettable isolation.


Le populisme se caractérise aussi par son refus de la complexité, l'usage d'énormes raccourcis, la tendance à schématiser, à simplifier à l'extrême les situations pour emporter l'assentiment du plus grand nombre. En dépit d'un cerveau fait pour raisonner, l'Homme aurait de manière générale une inclination vers la paresse et la solution de facilité ; et il préférerait une demi-vérité assénée avec force à la subtile incertitude qui naît lorsque l'on confronte tous les points de vue.
Populism is also characterized by its reject of complexity, the use of obvious shortcuts, the tendency to simplify the situations in the extreme, in order to win the agreement of the masses. Because in spite on their powerful brain and thinking capability, men would bend towards laziness, and would favor a half-truth dictated with force rather than the subtle indecision which arises by confronting different points of view.


Enfin, le populisme joue sur la tendance naturelle de l'Homme à s'enraciner dans son pays ou lieu de naissance et à s'agréger avec les gens qui lui ressemblent, que ce soit pour des raisons linguistiques, religieuses, culturelles, ou même en raison de préférences sexuelles. Une fois loin de chez lui, à l'étranger par exemple, il aura tendance à reproduire ce schéma qu'il considérera comme le seul à même de correspondre à ses attentes, et cela quand même bien sa motivation à émigrer prenait sa source dans un sentiment de manque ou de souffrance.
Finally, populism may be using men's natural thriving to anchor in his birth country or place and to assemble with people who resemble him, for linguistic, religious or cultural grounds, or either because of his sexual preferences. When he'll emigrate far away he will reproduce the same pattern which will occur to him as being the only suitable to reach his expectations, even if at the very beginning his desire to emigrate originated from a lack of something or from suffering.


Pour ma part, je vis depuis l'enfance avec le sentiment de n'appartenir à aucune communauté, ce qui rend difficile ma compréhension du populisme. Chez moi, c'est à la fois partout et nulle part. Mal à l'aise parmi mes compatriotes pour diverses raisons, je me destine à vivre et mourir comme une Française de l'étranger. Car pour l'instant, où que j'aille, je me sens en permanence observatrice étrangère ou, pour ôter la connotation négative à ce terme: une invitée, une nomade, une personne de passage. Ce qui n'est pas sans avantage car en évitant de m'enraciner quelque part, je demeure libre comme l'air.
As far as I'm concerned, since childhood I feel that I'm not part of any community, so I don't really understand populism. To my eyes, home is both everywhere and nowhere. I'm clearly not comfortable amongst my fellow countrymen, for several reasons, so I've decided to live and die as a expatriate. Since I left my parent's house, I've always felt as a foreign witness, or a host, a nomad, an endless traveler. But I'm not complaining about it, as by avoiding putting down roots somewhere, I'm still free as a bird.


Sources

[1] A venir: je suis en déplacement et l'accès de la plupart des sites m'est interdit là où je me trouve (c'est un miracle que j'aie encore accès au blog).
[1] To be defined: I'm on mission right now and I have access to very few websites here (it's a miracle the blog platform is reachable).

jeudi 13 octobre 2016

Demain est un autre jour // The Life List : Lori Nelson Spielman (2)

Rappelez-vous, au début de l'été, je vous avais parlé du roman de Lori Nelson Spielman, intitulé "Demain est un autre jour", qui m'avait donné l'envie de poser sur le papier les rêves que j'avais en entrant dans l'âge adulte et de les comparer à la réalité. La première partie de la liste s'était révélée plutôt réaliste, dans la mesure où j'avais accompli l'essentiel de mes rêves. Il est temps à présent d'analyser le reste de la liste.
Remember! At the beginning of Summer, I told you about a novel by Lori Nelson Spielman, named "The Life List", which gave me the idea to write down my own list of dreams I had when becoming a grown-up and then to compare it to reality. I satisfactorily discovered the first four dreams had transformed into reality: becoming a writer, sleeping in the desert, go walking on an icefield, visit an oil rig. Let's look at the rest of the list.

     5.   Animer une émission de radio pour les ados expatriés
     5.   DJ on an expatriate teenage radio station
     6.   Rencontrer Umberto Eco et lui dire tout ce que je pense de ses romans
     6.   Meet Umberto Eco and tell him how much I love him and his books
     7.   Rencontrer Roger Hodgson et lui dire tout ce que je pense de ses chansons
     7.   Meet Roger Hodgson and tell him how much I love him and his songs
     8.   Apprendre à jouer de l'orgue
     8.   Become an organist
     9.   Avoir plein d'enfants
     9.   Raise many children
     10. Décorer moi-même ma maison (en faisant tout de mes mains)
     10. Decorate myself the house (with only handmade stuff)

N°5: Animer une émission de radio pour les ados expatriés          
N°5:   DJ on an expatriate teenage radio station
Quand j'envisageais de passer à la radio, je voyais plutôt le côté DJ ou "intervieweuse" d'artistes que chroniqueuse sur des sujets politiques, économiques ou sociaux. D'ailleurs je pense que les ados ne m'auraient pas suivie dans la seconde voie et je les comprends. Pourquoi une radio à l'étranger? Tout simplement parce qu'il me semblait que les jeunes, qui ne vivent pas forcément bien l'expatriation, seraient contents de retrouver certains repères par rapport à ce qu'ils ont connu, et de continuer à partager les dernières nouveautés musicales avec leurs amis restés au pays. De plus, animer une émission me permettrait, à travers des anecdotes ou des brèves, d'expliquer certains éléments de la vie locale et de susciter leur curiosité. Un peu comme ce que je fais sur ce blog, je vous l'accorde.
Je n'ai pas abandonné ce rêve à vrai dire, il fait partie des mini-projets que j'aimerais monter en parallèle de mon grand projet artistique. Aussi peut-être m'entendrez-vous un jour sur les ondes, mais pas ici, et pas de suite... Chaque chose en son temps !
Let me clarify: by saying I wanted to animate on a teenage radio station, I had absolutely no intention to comment on serious topics such as politics, economy, society; I was referring to music or interviews of great artists. Anyway, I don't think teenagers would have followed me on the first path and I fully get why, because as a teenager myself I didn't care about serious matters. But why did I focus on an expatriate radio station? It's just that I know many young people don't really feel about expatriation, they just follow their parents and may feel disconnected from their friends or relatives still in the home country. I wanted to help them not to lose all of their bearings and to enable them to keep sharing the latest songs with their old friends. In addition, I intended to tell stories or anecdotes to help them understand better their guest country and to arouse interest or curiosity in them. OK, it's already what I do on this blog, but still...
This dream remains on track; it has even been integrated in my multi-goals artistic project. So inchallah one day I'll be on the air, but not in France, and not tomorrow. There's a time and a place for everything!

N°6.   Rencontrer Umberto Eco et lui dire tout ce que je pense de ses romans
N°6.   Meet Umberto Eco and tell him how much I love him and his books
Hélas, ce rêve a volé en éclats au début de cette année, lorsque j'ai appris, avec plus d'une semaine de retard, qu'Umberto Eco n'était plus de ce monde. Croyez-moi, je regrette encore aujourd'hui cet immense érudit, auteur entre autres du Nom de la Rose et du Pendule de Foucault, mais également philosophe, scénariste, linguiste, essayiste, traducteur... bref un savant comme on n'en fait plus de nos jours ! Ce que j'aime dans un ouvrage comme Le Nom de la Rose, c'est qu'en le refermant, je réalise que je viens de prendre une magistrale leçon d'Histoire, de théologie, de langue, et de culture générale. Chacun de ses romans est un petit bijou d'érudition comprenant de multiples digressions, anecdotes et citations diverses ; parfois il devient difficile de suivre, tant le récit est dense, mais il y a quelque chose dans la manière qu'Umberto avait de raconter qui m'intimait le silence et monopolisait ma pleine attention. Je regretterai longtemps son absence et je doute d'être la seule en ce monde.
Alas in February this year we lost one of the greatest teacher, writer, novelist, philosopher, scenarist, linguist, essayist, translator..... Umberto Eco, one of the greatest erudite of our century! I got the sad news ten days after it happened and believe me, I still grieve this savant, who wrote amongst other great novels Foucault's Pendulum and The Name of the Rose. What I adore in a novel like The Name of the Rose, is that when I'm done reading, I have just taken an entire College course on History, theology, linguistic, or just general knowledge. Each of his works is a gem of erudition with many digressions, anecdotes and quotes; sometimes it may be difficult to follow the thread of narration, as the style is a bit dense, but I have always been impressed by the way Umberto used to relate, which each time caught my undivided attention. I'll miss him for the years to come, I know it, and I guess I won't be the only one.

N°7.   Rencontrer Roger Hodgson et lui dire tout ce que je pense de ses chansons
N°7.   Meet Roger Hodgson and tell him how much I love him and his songs
En dehors de ses nombreux concerts auxquels j'ai eu la joie d'assister, je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer Roger Hodgson, compositeur, chanteur et véritable homme orchestre britannique, cofondateur de Supertramp. S'il en est un qui ne se lasse pas de chanter l'amour, c'est bien lui !
J'ignore à vrai dire comment je régirais s'il se tenait devant moi : lui baiserais-je la main, un genou en terre, ou le prendrais-je dans mes bras avec chaleur ? Plus vraisemblablement, je pense que je lui serrerais la main en exprimant ma profonde admiration pour ses textes et ses mélodies si douces, si poétiques ; je lui dirais combien je trouve son oeuvre apaisante et combien j'apprécie ses éternels messages de paix et d'amour. Au printemps dernier, j'ai partagé ici même les paroles de Love is a Thousand Times, provenant de l'album Open the Door paru en 2009, et aujourd'hui, je recommence avec l'une de mes chansons préférées, issue du même album: For Every Man.
Cela fait longtemps que je voulais partager ce texte avec vous, néanmoins j'attendais de trouver sur le Net un enregistrement ou une vidéo live car si les mots sont émouvants, c'est la musique qui les accompagne qui permet d'en goûter pleinement la douceur. J'ai eu beau chercher, je n'ai rien trouvé, alors je vous les offre tout de même. La traduction française ne peut hélas vous donner qu'une idée imparfaite de la beauté du texte original, aussi je vous invite à le découvrir en anglais si vous en avez la possibilité.
Outside of his many concerts I could attend to, I never really had an opportunity to meet Roger Hodgson, the British composer, singer, one-man band sometimes and co-founder of Supertramp. If there is a man who never gets tired of singing about love, that's him!
I don't know how I would react if he was standing in front of me right now: would I put a kness down and kiss his ring, like a Pope (or the Godfather), or would I just hug him? More reasonnably, I think I would shake hands and share how deeply I admire his sweet texts and poetic melodies; then I'd tell him how healing his songs are for me and how much I appreciate hearing him endlessly sing about peace and love. Last spring, I shared here the lyrics of Love Is a Thousand Times, from the album Open The Door released in 2009. Today I'm sharing another of my favorite songs from the same album: For Every Man.
I have wanted to translate and share these lyrics for a long time but I was hoping to find a recording or a live video on the Internet to enable you to enjoy both the words and the music; sure the words are great but they're deeper and softer with the music. I haven't found anything yet so I decided to share the lyrics however.

Pour chaque homme qui porte un rêve
Il est une lueur qui n'est que rarement aperçue,
Dans un monde où tout n'est avidité et mensonge.

Pour chaque enfant, qui, allongé les yeux ouverts
Espère que l'aube ne pointera jamais
Pour ne pas être seul ou avoir peur, sans jamais pleurer

Où sont passés cet amour, ce feu
Que nous partagions, qui nous habitaient ?
Où sont passées cette espérance, cette flamme
Que nous ressentions, que nous offrions ?
Où donc est l'homme qui affirme
Qu'il ne veut ni rêver, ni vivre ?

A chaque homme qui se sent seul
Et bosse comme un fou
Je prête ma voix, mes désirs et mes chagrins

Ce n'est pas le chanteur mais la chanson
Qui touche la corde sensible chez tout le monde
Et qui nous fait danser, qui nous fait chanter
Et qui nous fait nous envoler

Où sont passés cet amour, ce feu
Que nous partagions, qui nous habitaient ?
Où sont passées cette espérance, cette flamme
Que nous ressentions, que nous offrions ?
Où donc est l'homme qui affirme
Qu'il ne veut ni rêver, ni vivre ?

Il n'y a rien que nous sachions,
Alors regardons juste la magie qui s'écoule.

For every man who has a dream
There's a light that's rarely seen
Within a world where all is greed, all is lies

For every child who lies awake
And hopes that dawn will never break
To be alone, to be afraid but never cry

Where is the love, where is the fire
We used to share, we used to live
Where is the hope, where is the flame
We used to feel, we used to give
Where is the man who says
He never wants to dream, wants to live

For every man who feels alone
Working fingers to the bone
I have a voice, I still yearn and I still cry

It's not the singer, it's the song
Strikes the chord in everyone
And makes us dance, makes us sing
Makes us fly

Where is the love, where is the fire
We used to share, we used to live
Where is the hope, where is the flame
We used to feel, we used to give
Where is the man who says
He never wants to dream, wants to live

There is nothing that we know,
Just watch the magic flow

     8.   Apprendre à jouer de l'orgue
     8.   Become an organist
L'orgue fait partie des instruments rugissants que j'ai toujours adoré, au même titre que la cornemuse, le violon et, en plus discret, le santour. Apprendre l'orgue n'est pas à l'ordre du jour - j'ai déjà tant à faire - néanmoins je sais que j'y viendrai un jour, car il y a quelque chose dans la sonorité de l'orgue qui chaque fois me transperce avec une intensité quasi mystique. J'aime les vibrations extrêmes d'un plein-jeu dans une nef d'église, les dissonances engendrées par l'usage prolongé de la pédale, la diversité des sonorités possibles, la saturation sonore alliée paradoxalement à une immense pureté. A l'instar des soufis qui mêlaient musique et mysticisme, lorsque j'écoute de l'orgue j'ai l'impression de me mettre en relation directe avec Dieu ; et si cette comparaison peut vous paraître surprenante, je sais que certains me comprendront : à travers l'oeuvre, l'on perçoit en quelque sorte le génie du Créateur.
Organ is one of the thundering instruments I always loved, just like bagpipes, violon and, a bit more quiet, Iranian santur. I won't start learning how to play the organ tomorrow - I have so much to do already - however I know that one day I will, because there is something in its sound that keeps running through me with a mystical intensity. I love the extreme vibrations of a plein-jeu in a church, the dissonances originating from a long pedal, the diversity and purity of the sounds you can produce, the acoustic saturation. Like the Sufis who mixed music with mysticism, I felt I was in direct contact with God while listening to organ music; may be this parallel will come as a surprise but I know some of you will understand: through the music appears the genius of our Creator.

Voici peut-être un terrible raccourci, mais il m'apparaît que l'on ne peut aimer véritable l'orgue sans apprécier J.S. Bach, qui a porté l'art de la fugue à son paroxysme. Je suis tout sauf objective à son sujet, je le reconnais, car depuis l'enfance je suis fascinée par sa maîtrise du contrepoint ; et je me plais à décortiquer ses œuvres, à repérer les marches harmoniques, les modulations, les thèmes qui reviennent en miroir ou en imitation etc. Pour avoir étudié sa technique en cours de composition, et pour avoir eu pour épreuve à l'examen final de composer une imitation de son style, croyez-moi : J.S. Bach était un génie ! Parmi mes œuvres favorites se trouvent ses toccatas et fugues pour Orgue. Je vous propose d'écouter l'interprétation peu académique que fait le jazzman Wayne Marshall de la toccata et fugue en sol mineur (BWV 542).
May be this is a rough short-cut, but it seems to me one can't really love organ without loving the music by J.S. Bach, who brought the art of fugue at its highest level. I know I'm all but objective when I talk about him because I've been fascinated since childhood with how he mastered the counterpoint; and I still amuse myself analyzing his works, identifying harmonic progressions, modulations, themes which are coming back as mirrors or imitations, etc. I studied his technique in composition class, and for the final exam we had to create an imitation of his style; believe: J.S. Bach was a genius! Amongst my favorite works, there are his toccatas and fugues for organ. Below is a recording of the fantasy and fugue in Gm (BWV 542) by the jazzman Wayne Marshall, who played it a bit non-academic but with virtuosity.

Wayne Marshall interprétant la toccata et fugue en sol mineur de J.S. Bach (BWV 542)
Wayne Marshall playing fantasia & fugue in Gm of J.S. Bach (BWV 542)

     9.   Avoir plein d'enfants
     9.   Raise many children
Je ne sais trop que dire à ce sujet : ce n'est pas que je n'ai pas envie d'élever une grande famille, mais comme préalable aux enfants... il faut trouver leur père ! Patience, patience... tout reste encore à faire.
On this specific matter I don't really know what to say: of course I'd like a family, and why not a large one, but prior to raising children I have to find the right man. So be patient... there's still a lot to be done.

     10. Décorer moi-même ma maison (en faisant tout de mes mains)
     10. Decorate myself the house (with only handmade stuff)
C'est un peu pareil, voici un sujet qui devra attendre car si j'ai des milliers d'idées de décoration et de travaux manuels, il me manque encore le principal : la maison ! En revanche, si j'en avais le temps et la patience, j'aimerais beaucoup peindre ou graver les murs, les portes et les plafonds sur le modèle de ce que j'ai tant admiré dans la forteresse de Jabrin. Quant à l'ameublement, je l'imagine simple mais confortable: coussins, tapis moelleux et tables basses.
This topic resembles the previous one: I have thousands of ideas for decoration and manual works however I'm still missing the main element to achieve my dream: the house! Still, if I had time, motivation and patience, I'd really like to paint or carve the walls, doors and ceilings, as the ones I saw last year in Jabrin fort. As for furniture, I imagine something simple but comfortable: cushions, soft carpets and coffee tables.

L'un des nombreux plafonds peints de Jabrin // One of the many painted ceilings of Jabrin
Un encadrement de porte sculpté // A door frame with sculpted flowers

vendredi 7 octobre 2016

Youssef Chahine - Al Massir (le Destin // Destiny)

Je voudrais aujourd'hui vous présenter un film du réalisateur, scénariste et producteur égyptien Youssef Chahine, qui est sorti en 1997 mais que je n'ai découvert que récemment : le Destin (ال مصير). Ce film raconte certains éléments de la vie du grand savant et philosophe islamique Averroes, né en Andalousie en 1126 (Empire Almoravide) et mort dans l'actuel Maroc en 1198 (Empire Almohade), en particulier à partir de 1188-1189 où il doit se défendre face à des accusations d'hérésie et des troubles politiques visant son protecteur, le Calife Al Mansur. Ce dernier, qui se trouve aux prises avec des rebelles et peine à assurer son pouvoir sur certaines parties de l'empire, s'est en effet dangereusement rapproché des oulémas les plus radicaux qui font pression sur lui pour contrer l'influence d'Averroes. Après que sur ordre du Calife aient été interdits la philosophie, les livres, la vente de vin et les métiers de chanteur et de musicien, Averroes sera chassé avec toute sa famille et ses livres seront brûlés en public. Peu de temps avant sa mort, il recevra le pardon du Calife sans pour autant que celui-ci ne le rétablisse dans ses anciennes fonctions.
Today, I'd like to present you a excellent film by the Aegyptian producer and scenarist Youssef Chahine, released in 1997 but which I only discovered recently: Destiny (ال مصير). The film narrates some episodes of the life of the great Islamic thinker and savant Averroes, who was born in Andalusia in 1126 (Almoravid Empire) and died in today's Morocco in 1198 (Almohade Empire), especially starting from 1188-1189 when he had to defend himself against accusations of heresy and consequences of political troubles aimed at his patron, Caliph Al Mansur. The Caliph was indeed struggling with rebels and has difficulties to secure his power in certain parts of the empire, so he went closer to several ulemas whose influence strongly impacted on him; as a result, he abandonment Averroes and forbid philosophy, books, wine trade and the musician and singer professions. Averroes was sent to exile with all his family and his books were burned publicly. Not long before he died, he received the Caliph's forgiveness but wasn't reinstated in his old position.

Ce film m'a beaucoup touchée à la fois par sa poésie et par l'évocation d'un passé extrêmement riche culturellement, mais aussi à cause de sa réflexion en filigrane sur l'intégrisme religieux, problématique toujours d'actualité. Youssef Chahine montre que déjà à l'époque d'Averroes il y avait un combat entre les partisans d'une vision ouverte et raisonnée de l'Islam et les partisans d'une vision dogmatique et fermée de la religion, plus attachés aux pratiques rituelles et sociales qu'à la pureté des intentions et du cœur. Hélas il semblerait que nous n'ayons guère évolué depuis le XIIe siècle.
I really was deeply touched by the poetry of the film and by the evocation of a rich cultural past, but also because of the implicit reflection on religious fundamentalism, which is still present today. Youssef Chahine shows that already in the 12th century there was an opposition between the tenants of an open and reasoned vision of Islam and the tenants of a dogmatic and narrow-minded vision fo religion, more centered on rituals than on intentions and purity of the heart. Alas looking at today's struggles it seems nothing has changed.

Vous pouvez regarder Al Massir sur youtube ici (en version française).

mercredi 5 octobre 2016

Une solitude toute relative (French-speaking article)

Ces derniers temps, je me suis sentie terriblement seule. En dépit des collègues, des proches, des contacts divers et variés, j'ai senti si souvent cette impression peu agréable d'être seule au monde, à mille lieues de toute présence amie, sans personne pour veiller sur moi ni personne à veiller. Et plus que tout j'ai senti que quoi que je fasse, cette solitude me collerait à la peau encore un bon moment. Ce n'était pas une bonne approche : physiquement je suis seule certes, mais lorsque je m'en plains, j'occulte ma richesse intérieure.

Car si mon quotidien est solitaire, je porte en moi de nombreux personnages, qui, comme des enfants, grandissent, évoluent et interagissent. Certains finissent même par mourir ; ceux-là sont assez peu nombreux je dois dire, car il m'est difficile de jouer au Maître du Temps avec eux. Bien évidemment je sais qui mourra avant qui, mais je restreins volontairement l'action à une période où ils peuvent tous participer. Qu'importe le futur puisqu'ils vivent aujourd'hui et maintenant.

Ce matin, j'avais envie de m'adresser à eux.

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Youness ! Yassine ! Mouhayr ! Et tous les autres ! Pardonnez-moi car je vous ai délaissés ces dernières semaines. Je vous ai délaissés au profit d'autres activités, que je n'avais pas forcément choisies mais qui sont devenues urgentes. Je vous ai délaissés par facilité, parce que j'éprouvais des difficultés à être présente sur tous les fronts en même temps, parce que j'étais fatiguée, parce qu'après une longue journée de boulot il me semblait plus naturel d'allumer la télé ou d'étudier l'arabe que de m'occuper de vous. Je vous ai délaissés également parce que je peinais à faire le vide dans mon esprit et à me reconnecter à vous. Je le confesse, j'avais du mal à communiquer avec vous.

Le fait est que j'ai besoin de vous autant que vous avez besoin de moi. Je n'ai pas terminé d'écrire vos aventures ; vous n'êtes pas encore nés au monde et j'ai à cœur d'accomplir la mission que je me suis donnée il y a tant d'années : coucher sur le papier l'univers dans lequel vous évoluez et vous y installer confortablement. Afin que vous ne soyez plus prisonniers de mon imagination, afin que vous puissiez susciter chez des lecteurs les mêmes émotions que vous m'inspirez, et surtout afin que votre vie ne s'arrête pas en même temps que la mienne. Je vais vous faire une confidence : toutes les fois où je me suis crue proche de mourir, j'ai prié Dieu pour qu'Il me laisse le temps de vous mettre au monde avant de m'en aller. Vous méritez d'être libres, et ce serait cruauté de ma part de vous retenir éternellement auprès de moi...

Sachez que je vous aime, tous autant que vous soyez. Je vous aime, avec vos imperfections, vos doutes et vos errances. Je vous aime même lorsque vous êtes impatients, pénibles ou retors. Mohammed, fils d'Abou, vous êtes le pire despote que cette Terre ait porté, vous n'avez confiance en personne, pas même en votre fils, mais je vous aime malgré tout ; tout comme j'ai fini par aimer ce dernier malgré son attitude exaspérante et son orgueil démesuré. Vous aussi Souhila, je vous aime, en dépit de votre manque de scrupules et de vos attaques incessantes contre l'héroïne ; d'ailleurs vous vous êtes peut-être rendu compte que j'avais changé d'attitude à votre égard : je me moquais beaucoup de vous au début, vous étiez ma tête de turc ; mais aujourd'hui je vous aime sincèrement et je souhaite que vous sortiez indemne du guêpier dans lequel vos manigances vous ont précipitée.

Vous tous, je vous connais par cœur ; je sais ce dont vous êtes capables, comment vous fonctionnez et jusqu'où vous êtes prêts à aller. Lorsque l'on me demande pourquoi vous ne réagissez pas comme ceci ou cela, je ne peux que répondre : "parce que ce n'est pas lui/elle". Je ne peux tricher avec vos caractères ; je vous ai certes façonnés au départ mais au fil du temps vous avez évolué et vous vous êtes chacun forgé votre propre personnalité qui ne souffre aucune inexactitude, aucune dénaturation. Yassine, mon adorable Yassine, tu as le cœur tendre de ton âge ; tu subis de plein fouet les événements et contrairement à tes frères plus âgés, tu n'as pas les clés pour comprendre ce qui se passe autour de toi ; tu découvres en même temps l'amour, la trahison, la jalousie et la haine ; c'est dur, mais tu grandis et bientôt, tu deviendras un jeune homme au cœur immense.

Tout ceci vous amuse, Mouhayr ? Vous souriez, c'est donc que cela vous amuse. Croyez-vous vraiment être en position de juger ? Vous, le souverain flegmatique, détaché, moqueur, qui sera resté fidèle à lui-même tout au long de l'histoire, je vous rappelle que vous n'êtes pas parvenu à refréner votre inquiétude en voyant vos fils se déchirer et succomber à la colère ou au désespoir. Toutes ces années vous avez marché sur un fil et un seul faux pas aurait suffi à précipiter votre royaume dans l'abîme ! N'oubliez pas qu'au jeu du pouvoir la chance tourne vite ; d'ailleurs j'ai entendu dire que des pirates rôdaient près de vos côtes : c'est la rançon du succès, l'aisance attire les convoitises. Je vous conseille de retourner consulter les derniers rapports d'espionnage ; et, puisque vous serez au palais, profitez-en pour initier un peu votre fils cadet à la politique, ce n'est pas bon pour un adolescent de tourner en rond !

mardi 4 octobre 2016

Le coloriage pour adultes // Coloring for adults

Intégrisme, intolérance, malaise de la société... Cessons un instant d'aborder des sujets sérieux et reconnectons-nous à une activité que la plupart des enfants ont pratiquée et que certains continuent à l'âge adulte : le coloriage !
Terrorism, intolerance, awkward society... Let's give up for a moment these heavy subjects and reconnect to an activity that most of the children do enjoy and that some of them even keep on doing as grown-ups: coloring!

D'aucun diront que cette nouvelle mode passera aussi vite que la chasse aux Pokemon (sans commentaires), d'autres souriront devant ces adultes qui retombent en enfance. Pour ma part, voici bien une occupation dont je ne dirais pas de mal, étant moi-même l'heureuse propriétaire d'un livre de coloriage. Il y en a pour tous les goûts : mandalas, jardins, motifs floraux ou géométriques, vitraux... Les livres ne manquent pas et sur la toile on trouve même des planches vierges à imprimer. Les éditeurs mettent en valeur les vertus déstressantes de ces dessins qui invitent à se concentrer et à laisser parler son imagination ; c'est ce deuxième aspect qui m'a attirée, dans la mesure où une fois la porte du bureau fermée, j'oublie très rapidement ce que j'étais venue y faire.
Some of you may state this new fashion will fade as quickly as Pokemon Go (I won't comment on that), others will just smile thinking of these new adults regressing to childhood. As far as I'm concerned, this is an sane occupation I won't criticize, as I'm the lucky owner of a coloring book. To each his own taste; there are many different books: mandalas, gardens, flower or geometrical patterns, stain-glass imitations... And on the web you can even find coloring pictures to print. Editors advertise on the relaxing qualities of these books which invite you to focus and let your imagination fly; this last aspect attracted me, as I have a tendency to forget rapidly what happened at work as soon as I shut to office door.

Bien évidemment, après avoir tout feuilleté en librairie, j'ai opté pour les coloriages "Mille et Une Nuits" (chez Art-Thérapie) qui, en plus des pavages géométriques dont je raffole, proposent également de nombreuses arabesques et de jolies scènes que l'on croirait tout droit tirées des miniatures perses. A ceux qui voudraient se lancer dans l'aventure, je vous recommande cette collection qui propose dans chacun de ses livres une centaine de dessins avec une couverture cartonnée et un papier épais se prêtant à l'emploi aussi bien de crayons que de feutres.
Obviously, after I went into a bookstore to browse many books, I got my choice on "One Thousand and One Nights" colorings (by Art-Therapie) where, in addition to the classical geometrical patterns I love so much, I could find arabesques and lovely scenes that could be taken from Persian miniatures. For those who would like to take the plunge, I heartily recommend you this collection as, in each book, there are around one hundred coloring pictures, a cardboard cover and thick pages to color both with crayons and markers.

Voici quelques exemples de coloriages réalisés par ma main, des plus discrets aux plus voyants.
Below are a few examples of coloring pictures I did, from sober to flashy.