mardi 15 septembre 2015

La Compagnie des Glaces

Parmi les romans ou séries littéraires qui ont marqué ma jeunesse, il y a un excellent roman-feuilleton que je recommande à tous les amateurs de science-fiction : La Compagnie des Glaces, de Georges-Jean Arnaud. Attention à ne pas le confondre avec l'écrivain Georges Arnaud, de son vrai nom Henri Girard (1917-1987), auteur notamment de l'excellent Salaire de la Peur (1950), dont la vie a été particulièrement mouvementée. [1]

Georges-Jean Arnaud est né en 1928 et compte à son actif plus de 350 ouvrages, ce qui le place parmi les auteurs français les plus prolifiques. En plus de son véritable nom, il a  publié sous divers pseudonymes, parmi lesquels Saint-Gilles et Gil Darcy. Son style oscille entre roman policier, science-fiction, espionnage, polar et roman de gare. [2] La Compagnie des Glaces se compose de trois parties :

  • La Compagnie des Glaces : 62 tomes, parus entre 1980 et 1992,
  • Les Chroniques Glaciaires : 11 tomes, parus à la fin des années 1990.
  • La Compagnie des Glaces, Nouvelle Epoque : 24 tomes, parus entre 2001 et 2005.

La saga a été récompensée en 1982 par le Grand Prix de la SF française (prix spécial), et en 1988 par le Prix Apollo. 

Elle met en scène un monde post-apocalyptique où la Terre traverse une nouvelle glaciation d'origine humaine : au cours du XXIe siècle, la Lune a en effet été massivement utilisée comme stockage de déchets nucléaires, jusqu'au jour où elle a fini par exploser. Les poussières et morceaux de Lune se sont alors accumulés en orbite autour du globe terrestre, bloquant les rayons du soleil et confinant la Terre dans une sorte de pénombre perpétuelle. Le froid y est devenu intense (de -80°C à -20°C suivant les zones) et la glace a tout envahi. La plupart des hommes n'ont pas eu le temps de s'organiser et sont morts de faim et de froid mais certains foyers de peuplement ont tenu bon et petit à petit l'Humanité a repris le dessus. [3]

Quelques siècles plus tard, les Hommes vivent entassés dans des conditions plus ou moins précaires dans des wagons, au sein de villes construites sous dôme pour les protéger du froid, et sur rails pour qu'elles puissent se déplacer. Le ciel est bas, la grisaille domine et à l'instar du ciel, les individus baignent dans une sorte de grisaille ; la vie est dure et personne ne se fait de cadeau. On ne se déplace plus qu'en train, en allant de ville en ville à la vitesse d'un tortillard, dans des compartiments bondés où tout le monde se méfie de tout le monde. Tout autre forme de déplacement est prohibée et quelques grandes compagnies ferroviaires se disputent le pouvoir, contrôlant les moyens de communication, la justice et l'approvisionnement en chaleur et nourriture, ce qui leur confère le droit de vie et de mort sur l'ensemble des individus. On assiste à une renaissance des dictatures s'appuyant sur le sentiment d'insécurité, les rumeurs et la peur de l'étranger pour intimer le silence à leurs subordonnés. [3]

Les éléments incontournables de ces Compagnies Ferroviaires sont les Aiguilleurs, une caste d'agents travaillant avec le pouvoir en place mais dont l'origine tenue secrète et les liens inter-compagnies sont suspects. Leur rôle est de faire respecter l'ordre mais également de veiller à effacer le maximum de traces du passé et d'empêcher toute vie hors des rails. Selon la devise des Compagnies : "La mobilité c'est la vie, l'immobilisme la mort". Des villes entières sont en perpétuel déplacement, punition ou simple ordre de la Compagnie, et dans les faits, personne n'ose s'aventurer sur les réseaux traversant les banquises réputées "fragiles". La psychose de la glace paralyse tous ceux qui ont à se déplacer de station en station et les tragédies qui se racontent de bouche à oreille ne font qu'amplifier le phénomène. Du reste, au fur et à mesure des rééditions, les Instructions Ferroviaires (l'équivalent de nos Atlas) sont dépouillées des informations qui pourraient permettre de sortir des sentiers battus : certaines villes sont ainsi rayées de la carte, figurativement ou littéralement, et les réseaux secondaires, moins surveillés, sont de moins en moins indiqués. Ainsi les Compagnies savent-elles en permanence qui se trouve où. [3]

Une race seule connaît la vie (et la liberté) en dehors des rails et des dômes : les hommes roux, hommes génétiquement modifiés plusieurs siècles auparavant pour supporter une température moyenne de -40°C. Hélas, dans le processus de modification génétique, une anomalie a entraîné une régression intellectuelle qui les place à mi-chemin entre les Hommes et les animaux. Porteurs d'une toison épaisse, ils vivent nus et sont en général nomades, mais on les retrouve de plus en plus souvent sur les dômes des stations, employés à gratter la glace pour faire entrer un peu de lumière en échange de restes de nourriture. Communément considérés comme des animaux (impudiques), ils évolueront au cours de l'histoire pour constituer une menace pour l'ordre établi, sous l'impulsion première des métis de Roux, qui seront ensuite évincés par les Natifs. Ils exigeront notamment la reconnaissance de leur peuple et formeront un territoire autonome, au grand dam des Compagnies qui perdront du même coup la majeure partie de leur main-d'oeuvre bon marché. [3]

Si les Aiguilleurs gardent un œil sur les Hommes et les Roux, leurs ennemis ne manquent pas, à commencer par les Rénovateurs du Soleil, une secte de scientifiques qui souhaite ouvrir une lucarne dans les nuages croûteux pour faire entrer les rayons du soleil et restaurer un climat vivable pour les Humains. Retranchés dans des zones reculées et quasi hors d'atteinte, ils travaillent à développer un laser géant pour attaquer les nuages et agréger les particules en suspension. Ils s'emploient également à développer des moyens de transport aériens permettant de s'affranchir du rail. Les Néo-Catholiques, fidèles au Pape de la Nouvelle Rome, forment également un contre-pouvoir intéressant. Sans oublier les Hommes-Jonas, une petite tribu d'hommes et de femmes vivant "à bord" de baleines qui leur apportent chaleur et nutrition. [3]

Dans ce climat d'angoisse et d'amertume, nous suivons Lien Rag, un glaciologue jusque là sans histoire, qui va se retrouver malgré lui témoin d'événements qui vont l'amener à remettre en question les dogmes des grandes Compagnies et à découvrir ce qui se cache derrière la propagande des livres d'Histoire. Tour à tour traqué par les autorités, sauvé par des rebelles, fraternisant avec les Roux ou protégé en haut lieu, Lien Rag va mener l'enquête pour retrouver ses origines et, ce faisant, va entraîner un véritable bouleversement de l'ordre établi. Si Lien Rag est clairement le héros de la saga, on trouve d'autres personnages d'égale importance : Yeuse Semper, ancienne danseuse de cabaret et grand amour de Lien Rag, qui après un parcours tout aussi mouvementé que celui-ci, dirigera temporairement l'une des Compagnies Ferroviaires les plus puissantes ; le Kid, ancien aboyeur du même cabaret qui explorera une partie de la plus dangereuse banquise au monde, y fera une découverte incroyable et créera sa propre Compagnie ; Jdrien, métis de Roux et fils de Lien Rag, qui par son charisme deviendra chef de file de l'une des plus importantes ethnies d'hommes Roux (leur "Messie") et se battra un temps pour leur liberté ; Frère Pierre, missionnaire néo-catholique auprès des Roux qui, particulièrement opportuniste, s'impliquera dans la lutte contre les Rénovateurs du Soleil avant de viser la Papauté ; Palaga, grand-maître des Aiguilleurs que l'on prétend immortel et qui dirige en coulisses l'ensemble des Aiguilleurs du monde... [3]

Je pourrais continuer longtemps comme cela, et je n'aurais fait que gratter la surface de cette saga prodigieuse. Une foultitude de personnages, un monde cohérent jusque dans les moindres détails, des aventures variées... de quoi ravir les amateurs de péripéties de tous âges ! Si vous avez l'envie - et le temps - de vous lancer dans la lecture de cette saga, vous ne serez pas déçus ! Seul inconvénient : malgré quelques rééditions depuis 30 ans, certains tomes sont difficiles à trouver aujourd'hui. Ne manquez pas l'excellent site non officiel de la Compagnie des Glaces : [3], véritable encyclopédie du monde des glaces.

Mes Sources

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