lundi 19 octobre 2015

Instruments insolites et d'ailleurs - Le Santour

L'article d'aujourd'hui a pour objectif de vous présenter un instrument de musique millénaire que j'affectionne beaucoup : le santour iranien. Cet instrument à cordes frappées appartient à la famille des cithares sur table, mais se distingue de ces dernières par l'usage de baguettes (mezrab) munies d'un étouffoir, ce qui le rend proche du cymbalum et du piano. L'origine du santour est inconnue - certains prétendent qu'il remonterait aux Assyriens - mais depuis un peu plus de neuf cents ans, sa forme et son utilisation ont varié et il s'est répandu graduellement dans tout le Moyen-Orient et même jusqu'en Europe de l'Est ou en Inde par l'intermédiaire des Tziganes et des Juifs qui ont tiré parti de son poids léger pour l'emmener dans leurs pérégrinations. [1]

La famille des santours comprend cinq principaux instruments : le santour iranien, le plus ancien, le plus petit de tous, qui possède la sonorité la plus brillante ; le santour indien, plus volumineux mais rare car il se prête assez peu à la musique savante du pays ; le santour irakien, intermédiaire entre ses frères iranien et indien, employé uniquement de nos jours chez les Juifs irakiens ; le santour turc, aujourd'hui quasiment disparu en raison de l'impossibilité de s'adapter aux micro-modulations de la musique ottomane ; et le santouri grec, qui se rapproche du cymbalum par l'usage de petits maillets en lieu et place des mezrab. [1]

Le santour iranien est constitué d'une caisse de résonance en bois dur (bouleau, chêne, noyer...) percée de deux ouïes (traditionnellement en forme de fleurs ou de rosaces) et dotée de 72 cordes réparties par groupes de quatre. On en joue assis ou à genoux, par terre ou sur un coussin. Deux écoles existent pour la tenue des mezrab : les écoles anciennes frappent à l'aide du poignet seulement et tiennent les mezrab loin de l'instrument ; les écoles modernes utilisent le mouvement des doigts, des poignets et des même des bras, et jouent près de l'instrument. Deux types de frappe sont emblématiques du santour : le zang, frappe sèche et rapide qui s'obtient en fouettant les cordes à l'aide d'un mezrab, et le riz, sorte de roulement dont le geste rappelle le roulement des baguettes sur une caisse claire. [1]

L'Iran possède d'éminents santouristes, comme les frères Kamkar, Pashang et Ardavan, internationalement reconnus, et qui forment avec leurs cinq frères et sœur une impressionnante dynastie de virtuoses de la musique. Faramarz Payvar et Djalal Akhbari comptent également parmi les maîtres de cet instrument. [1] Ardavan Kamkar est de loin mon musicien préféré, pour sa dextérité et sa maîtrise absolue des baguettes mais également pour la construction rigoureuse de ses pièces, dont la structure me rappelle un autre de mes compositeurs favoris : Jean-Sébastien Bach.
Mais trêve de bavardages et place à la musique. Voici quelques vidéos que j'ai sélectionnées pour vous donner un aperçu de la diversité des pièces ou improvisations, solo ou non, classiques ou modernes, que l'on peut aujourd'hui entendre au santour. J'espère que vous serez réceptifs à cette sonorité mélancolique qui n'a jamais cessé de m'émouvoir.


Darya, la mer, composée et interprétée par Ardavan Kamkar

Un chaharmezrab consiste en une sorte de variation autour d'une note unique, une succession rapide de mouvements main droite - main gauche qui demande une certaine virtuosité.

Chaharmezrab composé par Faramarz Payvar et interprété par Tomos Brangwyn à l'ambassade d'Iran à Londres en 2011

Pour finir, voici deux preuves que le santour n'est pas qu'un instrument "classique" et qu'il peut être utilisé dans diverses compositions modernes où la palette de sons qu'il fournit est largement mise à contribution.

"Santour Navazan Ensemble" dirigé par Simiak Aghaei - concert donné en 2004 à l'université de lettres de Téhéran (album live Beyond our Path) [2]

Orchestre de la Radio Norvégienne dirigé par Peter Szilvay et composition de Javid Afsari Rad - concert donné en 2006

Et pour les curieux, voici une vidéo plus "généraliste". Il s'agit de l'un des Festivals de Santour de Téhéran à l'occasion duquel des artistes de diverses nationalités ont été invités pour faire découvrir les applications de cet instrument - ou de ses cousins - dans des musiques plus proches de nous, comme la musique hongroise.

Festival de Santour de Téhéran - année inconnue

Mes Sources

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