mercredi 18 mai 2016

Les nuits poétiques de Youness // Yunus' Poetry Nights : Al Majnoun

Ce titre est pour le moment un peu énigmatique mais c'est consciemment que je laisse un voile d'obscurité dessus. Seuls ceux qui sont au courant de mon projet d'écriture sont à même de comprendre de qui je parle. Quoi qu'il en soit, nul besoin de savoir qui est ce jeune homme et pourquoi il aime tant la poésie pour apprécier les auteurs qu'il a choisi de partager avec sa bien-aimée.

I recognize this title isn't the most explicit but I've deliberately decided to let you in the dark. Only the people who are aware of my writing project may understand who I am talking about. Anyway, you don't need to know who that young man is and why he's so fond of poetry to appreciate the poems he decided to share with his only love.

Youness m'a suggéré ce matin de vous réciter Al Majnoun, alors voilà. Majnoun et Leila font partie des couples légendaires de la culture arabe, au même titre que Antara et Abla, Qays et Lubna, Kuthair et Azza, et bien d'autres encore. Mais si le poète a réellement existé (il s'agissait de Qays ibn al-Moullawwah), la véracité de cette histoire d'amour est controversée. [1] Le terme Majnoun en arabe (مجنون) se traduit par fou et Majnoun Leila (مجنون ليلى) signifie celui qui est fou (amoureux) de Leila.

Yunus suggested this morning that I should introduce you to Al Majnun, so here I am. Majnun and Leila are one of the most famous lovers couple in the Arab culture, amongst others one will find Antara and Abla, Qays and Lubna or Kuthair and Azza. But if there are proofs of the poet's existence (his real name was Qays ibn al-Moullawwah), there is a controversy about the truth of the love story. [1] Majnun (مجنون) means in arabic "mad", so Majnun Leila (مجنون ليلى) is "the one who madly in love with Leila".

D'après la légende, le poète Qays, issu d'une famille de bédouins, était tombé fou amoureux de sa cousine Leila et passait son temps à chanter ses louanges et à lui dédier des poèmes. Or, dans la culture bédouine, c'est au père qu'il revient de choisir un époux ou une épouse pour son enfant ; aussi l'attitude de Qays fut-elle perçue comme un manque de respect envers l'autorité et ses demandes répétées pour épouser sa bien-aimée furent rejetées. La famille de la jeune femme sollicita même du Calife l'autorisation de tuer le jeune arrogant. Le Calife, intrigué par les vers de Qays, demanda à rencontrer Leila afin de constater de ses yeux cette beauté dont le poète faisait tant l'éloge ; mais il ne vit qu'une femme un peu maigre au teint brûlé par le soleil. Interrogé par le souverain au sujet de sa bien-aimée, Qays lui répondit que s'il ne la trouvait pas spécialement belle, c'est tout simplement parce qu'il ne la voyait pas avec ses yeux à lui. La famille de Qays finit par demander Leila en mariage mais la famille de la jeune femme refuse. Qays sombre peu à peu dans la folie, et son père l'emmène en pèlerinage à la Mecque dans l'espoir de lui faire oublier cette pénible histoire et recouvrer ses esprits ; en vain car le jeune homme ne cesse de répéter qu'une voix lui murmure constamment le nom de sa bien-aimée à l'oreille. Revenu chez lui, Qays est un jour prévenu que Leila est devant sa porte et demande à lui parler. Il répond qu'elle doit passer son chemin car recevoir quiconque l'empêcherait de continuer à penser à sa bien-aimée. L'histoire s'achève tragiquement: Leila se marie et part vivre dans une autre région. Qays quant à lui s'installe dans le désert avec les animaux sauvages. On le retrouve mort quelques temps après, avec dans les mains un ultime poème à sa bien-aimée.

According to the legend, Qays was a poet who came from a long line of nomads. He was madly in love with his cousin Leila and spent his days praising her through his poetry and expressing his love for her. However in the nomad culture the choice of a mate is the privilege of fathers only, so it wasn't long before Qays attitude was considered as disrespectful for their authority. Leila's family even sent a request to the Caliph to get the permission to kill this arrogant young man. The Caliph, instead of granting it, asked to meet Leila to see the great beauty the poet talked so much about; but when he met her, he didn't understand the reasons for the poets praises. To him, she was just a thin woman with the skin burned by the sun. Qays answered that if the Caliph couldn't see her immense beauty it was because he wasn't looking though Qays eyes. Qays family finally proposed to Leila's family but they refused. Qays then started to fall into madness and his father decided to take him to pilgrimage in Mecca to save his mind and help him forget about her. This initiative turned out to be useless because even in Mecca Qays claimed that a voice in his hears whispered all day long the name of his beloved. Back home, a friend of Qays told him one day that Leila was standing at the front door and asking to see him. But the mad poet answered that he didn't want to see anyone that would distract him from thinking of his beloved Leila. This story didn't end well; Leila got married and moved out of the country, while Qays settled in the desert to live with wild animals. Some time later, his body was found lifeless and in his hands there was a last poem to Leila.

Voici quelques extraits de la poésie de Majnoun, traduit par Houria Abdelouahed. [2]

"Je me plains à un vol d'oiseaux passagers
Mais suis-je digne de pleurer ?
Ô nuée d'oiseaux ! pourriez-vous me prêter des ailes
Afin que vers ma bien-aimée je puisse voler ?"

"Je restais tourmenté le jour de notre séparation
La voyant partir, perplexe, avec des larmes dans les yeux.
Lorsqu'elle se retourna, m'adressant de loin un long regard,
Mes yeux ont libéré leurs eaux jusqu'alors contenues."

"Éloignement, passion, nostalgie et tremblement,
Tu ne réussis pas à diminuer la distance, ni moi à m'approcher.
Comme un oisillon serré dans la main d'un enfant
Qui ressent l'amertume de la mort tandis que l'enfant joue,
Dépourvu de raison l'enfant ne peut s'apitoyer,
Dépourvu de plumes l'oisillon ne peut s'envoler,
J'ai connu les chemins qui mènent vers mille visages,
Toutefois, sans cœur où donc aller ?"

"Ils dirent: "Si tu le veux tu peux loin d'elle retrouver la joie."
Je dis: "Ce n'est guère mon souhait."
Son amour grandit dans mon cœur
En dépit du blâme, il n'accepte de s'achever."

Here are some examples of Majnun's poetry, found on the beautiful blog by Adam Ahmed, which gathers many arabic poems in original writing and translated by himself. [3] I can but recommend all of you to take a look at this blog.

"The souls of infatuates are sick for desire
And the lover's condition doesn’t alter;
The tears of the lover, upon seeing his love,
Rush down his cheek -- one after the other:
Who's kin to love isn’t freed by a glance,
But, every day, he's scolded or seeks more.
Grieved, distracted, starved, & enfeebled,
He can’t navigate a way, or get a lick of slumber."

"She is wine in beauty, like her spit is wine;
Her delicacy, too, is tinged by wine:
Three wines are joined in her, but from one
A drunkard exceeds drunkenness."

"Upon the land, I stare, as if I stood
Behind a glass; looking from Love's Waters,
My eyes occasionally drown from weeping, so I
Go blind; sometimes they bare enough for me to see.
Though no tears pour out from this eye,
It languishes and leaks just the same."


Sources
[2]     Le Dîwân de la poésie arabe classique, Choix et Préface d'Adonis, Traduction de Houria Abdelouahed et Adonis, Ed. Gallimard.

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