vendredi 5 juin 2015

Au Commencement... était le blog !


Le mal être que je ressens actuellement est difficile à exprimer. Et pourtant, il est bien réel, ô combien réel ; il m’empoisonne la vie même ! Alors que d’autres se contentent de sortir diplômés de prestigieuses écoles et de mener ensuite une carrière vertigineuse couronnée de nombreuses promotions, sans jamais se poser la question de savoir s’ils sont sur la bonne route ou si leur remue-ménage a un sens, moi je ressens un profond malaise. Je sens que quelque chose sonne faux. Et je me heurte à ma conscience qui régulièrement me rappelle qu'elle n'est pas dupe et voit très bien qu'en dépit de ses remontrances, j’essaie de l’enfumer avec la promesse de changer de vie plus tard.
Une carrière fulgurante de manager ? Quoi de plus alléchant pour une "jeune cadre dynamique" bardée de diplômes, au potentiel technique et aux qualités humaines indéniables ? De la rotation, de l'expatriation, des missions aux quatre coins du monde... j'en ai eu un avant-goût, mon compte en banque et mon CV s'en souviennent. Mais si j'écoute mon cœur : NON, je n’ai pas envie de ce genre de vie ! Et pourquoi ? Parce que je n’en vois pas la finalité, que je trouve cela un peu creux ; parce que ce type de personnage me semble manquer d'authenticité, d'ancrage au monde ; parce qu’au fond de moi je sens que je n’ai aucune raison valable de me battre pour aller tout là-haut. Car si j’y arrive, au prix de nombreux efforts et sacrifices, je crains de regarder d’un coup en bas et de m’écrier : « ah bon ? c’est tout ? j’ai fait tout ce chemin pour ça ? » Je ne crois pas que la terre soit plus belle vue d’en haut, je crois qu’elle est belle pour tout le monde, quelle que soit la hauteur d’où l’on regarde. Le sommet n’est qu’une illusion. Encore et toujours ma conscience qui parle.
Pour moi, l’existence est ailleurs, dans les relations humaines, dans la famille, dans les découvertes techniques, dans l’observation émerveillée de la nature, dans le respect de l’environnement, dans la solidarité et l’interconnexion entre les cultures. J’aimerais participer à la construction d’un monde nouveau, plus humain, plus juste, plus respectueux et plus durable. Mais je ne sais pas comment m’y prendre ; j’ai envie de tout faire et paradoxalement l’immensité de la tâche à accomplir me glace et me dissuade de me lancer. Je n’arrive pas à déterminer quelle pourrait être ma contribution à ce monde, quelle tâche pourrait me revenir. "A quoi bon ?" me direz-vous. "Pourquoi se prendre la tête ? Pourquoi entreprendre une telle démarche ? Pourquoi ne pas se contenter tout simplement d'exister, comme le font certains ?" A cette question, je n'ai aucune réponse, si ce n'est l'impérieux commandement de ma conscience, toujours elle, qui refuse de me laisser mollir dans une pseudo-aisance douceâtre et atone. Elle ne me laisse pas en paix, elle revient sans cesse à la charge.
De plus, je veux bien changer mon approche de la vie, de mon environnement, mais je ne suis pas sûre que beaucoup de gens aillent dans le même sens. Nous nous sommes installés confortablement dans un modèle capitaliste dans lequel le seul chemin de réussite possible est « vers le haut », gagner toujours plus et devenir de plus en plus important aux yeux de la société. Je ne suis pas contre le capitalisme, car par le passé il a permis un accroissement de la richesse et le développement de nouvelles technologies. Et sur le principe il fournit une motivation valable à l’individu : on a besoin d’argent pour vivre et pour financer nos projets. Là où je ne suis plus le raisonnement, c’est lorsque pour de l’argent on commence à aliéner sa liberté, à étouffer sa conscience, à sacrifier sa famille, ses voisins et ses rêves de jeunesse. Cela peut venir vite et de manière insidieuse, et notre société a hélas basculé dans un capitalisme quelque peu outrancier. 
Je supporte également mal l’idée d’avoir une profession dans laquelle je ne renvoie pas directement une partie de ce que je produis vers les autres. Dans une multinationale, les gens sont tellement noyés dans la masse qu’ils finissent par ne plus savoir à quoi va servir leur travail ni à qui il s’adresse. De plus, j’ai conscience de ne pas vraiment travailler pour améliorer la production des hydrocarbures en termes de sécurité ou de récupération des réserves, mais plutôt pour produire rapidement un bénéfice satisfaisant les actionnaires. Je reconnais et admets leur implication financière dans l’entreprise, leur prise de risque et leur souhait de retour sur investissement. Mais je souffre de constater que de nos jours ce sont les logiques financières qui prévalent sur les aspects humains, et, pire encore, que ce modèle a bonne presse ! En invoquant un mélange de corporatisme et d'esprit de loyauté, on assimile parfois les salariés à des "dossiers" et on leur impose des trajectoires de vie auxquelles ils n'aspirent pas forcément mais dont les compensations financières assureront la tranquillité d'esprit de tous.
Serais-je pour autant prête à tourner le dos à ce modèle et à vivre en marge de la grande majorité des gens ? Je n'en suis pas certaine : le principe me plaît bien - je ne peux m'empêcher d'être admirative devant ceux qui ont eu ce courage - mais de là à franchir le pas, il y a un gouffre ! Outre tourner le dos à toute une éducation, ce qui du jour au lendemain ne serait pas sans laisser des séquelles, cela sonnerait le début d'un conflit perpétuel contre mes proches. Et soyons francs, il y aurait de fortes chances que je  régresse financièrement et l'idée de devoir me serrer la ceinture - alors qu'enfin j'avais réussi à pouvoir vivre sans compter chaque centime - ne me plaît guère. Alors comme la majorité silencieuse, je tais mes inquiétudes et j’essaie de continuer ma routine, laissant à d'autres le soin d'agir pour moi. Sans grande conviction néanmoins, car une nouvelle fois, ma conscience revient m’obséder jusqu’à me priver de sommeil et susciter en moi une colère qui n'a d'égal que le désarroi qui s'ensuit. J'en veux au monde tel qu'il est mais j'en veux avant tout à moi-même de ne pas avoir trouvé d'échappatoire à ce dilemme. D'alternative à mon indécision (vous pouvez remplacer cela par hypocrisie, je ne vous en tiendrai pas rigueur). Mais qui suis-je après tout ? Un être humain, avec ses qualités... et ses défauts !
Je suis intimement convaincue que chacun peut contribuer à sa manière à la construction d'un monde plus juste, plus tolérant, plus paisible, plus respectueux de l'humain et de l'environnement. Tout le monde n'est pas De Vinci ou Mère Térésa, tout le monde ne découvrira pas un remède pour éradiquer le paludisme ou un moyen infaillible de retarder la fonte des calottes polaires. Tout le monde n'offrira pas sa vie pour lutter contre la pauvreté ou les inégalités, tout le monde ne sera pas emprisonné pour ses convictions. Certains soutiendront des initiatives par un don ou un vote, d'autres inculqueront des valeurs de justice et d'amour à leurs enfants pour en faire des adultes responsables et généreux, d'autres enfin diffuseront un message de paix autour d'eux. Chacun a sa place dans cette démarche et chaque effort est le bienvenu. Moi-même, je ne prétends pas révolutionner quoi que ce soit - je n'en ai pas l'étoffe - mais j'aimerais apporter une petite pierre à l'édifice.
J'ai finalement choisi de faire ce que je fais de mieux : écrire. Ecrire, pour partager mon savoir, raconter ce que j'ai vu et entendu, relater des événements passés ou présents, questionner, essayer de bousculer certaines idées reçues, mais aussi pour rassurer, redonner confiance et espoir dans l'avenir, et exhorter à conserver enthousiasme, altruisme et esprit d'entreprise. Car je pense que l'avènement d'une société plus juste passera aussi par un élargissement des esprits et un approfondissement des consciences. Consciences citoyennes, consciences politiques, consciences sociales, consciences religieuses et culturelles... Mon idée n'est pas de traiter uniquement de politique ou d'économie - mes compétences sont bien modestes en la matière - mais de redonner à d'autres le goût de la découverte, de la curiosité, de l'espièglerie. Revenons à l'âge béni où chaque jour était une aventure et laissons-nous porter par les merveilles de l'existence !

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