lundi 8 juin 2015

Visite du centre de tri de Sévignacq

Dans le cadre de la journée mondiale de la sécurité, ce vendredi 5 juin, une visite était organisée dans le cadre de mon équipe de travail : il s'agissait de nous sensibiliser (ou plutôt de nous re-sensibiliser) au tri sélectif des déchets et au devenir des matériaux à recycler.
Rien à dire, la visite fut intéressante, nos hôtes étant manifestement passionnés par leur sujet et convaincus de la démarche. Un peu étrange néanmoins d'y aller dans le cadre d'une visite obligatoire puisque à mes yeux cela relève plutôt d'une initiative citoyenne et n'a aucun rapport avec le projet dans lequel je travaille (si ce n'est que nous émettons des documents papiers et consommons des briques de jus de fruit).


Le centre de tri de Sévignacq dépend du Syndicat Mixte de Traitement des Déchets (SMTD) qui gère également l'usine de valorisation énergétique (incinérateur) de Lescar ainsi que plusieurs plateformes de compostage ou stockage de déchets non dangereux. Le SMTD gère la partie Est des Pyrénées-Atlantiques soit un peu moins de 300 000 habitants regroupés sur 265 communes. Le SMTD s'inscrit dans une démarche éducative et propose un site internet complet décrivant ses activités [1] ainsi que des visites et des livrets pédagogiques à l'intention d'élèves de différents âges.

Le centre de tri est opéré par une entreprise de 45 salariés : agents de tri, chefs d'équipe, administratifs, logisticiens, ingénieur qualité, responsable des opérations... Les déchets sont mécaniquement séparés entre corps creux (bouteilles plastique, canettes...), corps plats (papiers, journaux...), et métaux (conserves...) avant d'être plus finement séparés suivant le type de matériau. Le process de traitement est très bien explicité sur le site du SMTD [2]. Les agents traitent plusieurs tonnes de déchets par jour, en 3/8, avec des cadences élevées puisque le centre fonctionne à plein et que l'objectif est de traiter, non pas tous les déchets à recycler de la zone (ce n'est pas possible), mais le maximum d'entre eux. L’œil aguerri de l'agent lui permet de discerner rapidement les matières qui n'ont pas lieu d'être sur un tapis roulant, néanmoins le tapis roule vite et il faut être constamment en alerte. Malgré des pauses régulières (toutes les 2 heures) c'est un métier éprouvant.

L'agent de tri responsable de la visite nous a donné un certain nombre de recommandations ainsi que les raisons pour lesquelles il faut - ou ne faut pas - le faire ; je vous en fais part car l'erreur est facile et les règles pas toujours évidentes. Pour ma part j'ai tendance à vouloir faire du zèle en matière de recyclage mais j'ai conscience de placer régulièrement dans les bacs jaunes des matériaux qui ne devraient pas y aller. Dès lors qu'un doute s'éveille, il faudrait vérifier mais nous n'avons pas forcément l'information sous la main et, pour notre défense, pas toujours le temps ni l'envie.
  • OBJETS: Ne sont recyclés que les EMBALLAGES. Un couteau de cuisine ou une scie, même 100% métalliques, ne seront pas valorisés et iront à l'incinération. De plus ces objets représentent un risque de blessure pour les agents de tri.
Cela paraît illogique, mais il existe une explication, purement financière : les fabricants d'emballages versent de l'argent au centre de tri pour disposer des déchets générés par leur activité, en fonction du tonnage d'emballages mis sur le marché. Si l'on y ajoute des déchets provenant d'autres sources, les fabricants se retrouvent à payer pour recycler des déchets qui ne proviennent pas de leur activité. D'un point de vue purement environnemental, on ne peut que se réjouir d'être en mesure de recycler "plus" de matériaux ; cependant pour l'industriel, il semble légitime de ne payer que pour la fraction de déchets dont son activité est responsable.
  • VERRE: Comme plus haut, le verre ne doit jamais être envoyé au recyclage, car outre le risque de blessure dans le cas où une bouteille brisée arriverait sur le tapis roulant, le verre parvenu au centre de tri sera envoyé à l'incinérateur pour être concassé Dommage quand on pense qu'il s'agit du seul matériau courant pouvant être recyclé à l'infini sans perdre ses qualités physiques.
  • DÉCHETS DE SOINS: Les déchets de soins (seringues pour auto-injections de médicaments) ne doivent absolument pas arriver au centre de tri. Les pharmacies fournissent gratuitement des containers plastiques pour le conditionnement des seringues usagées, mais une fois pleins ces containers doivent être déposés en déchetterie ou dans les pharmacies qui proposent de les reprendre. Les containers vides doivent suivre la même logique car personne n'a la preuve qu'ils n'ont pas été contaminés et leur évacuation suit son propre circuit à partir de la déchetterie ou de la pharmacie.
Il faut savoir que dès qu'agent repère une seringue sur le tapis il se doit de la retirer immédiatement (car ses collègues ne l'ont peut-être pas vue) et pour cela, il presse l'arrêt d'urgence du tapis qui stoppe toute la chaîne de production, y compris le compactage et le stockage des déchets compactés. Chaque interruption de la chaîne implique une baisse de la disponibilité de l'unité, c'est-à-dire des déchets qui ne seront pas traités car dans la mesure où le centre fonctionne à plein régime le temps perdu ne se rattrape pas.
De plus, si un agent vient à se faire piquer par une seringue (et plusieurs ont signalé que cela leur été déjà arrivé), la procédure systématique mise en place est lourde : dépistages et trois mois de trithérapie pour prévenir les risques liés au VIH (ce qui en cas de contamination ne fait d'ailleurs que "prévenir" puisqu'il est malheureusement trop tard). Imaginez l'impact psychologique sur l'agent et sa famille, en plus du risque physiologique lié à la maladie (en cas de contamination) ou du traitement (superflu voire dangereux en cas de non contamination) !
On pourrait arguer qu'un agent qui se blesse ne possède peut-être pas des gants adaptés à son poste. La question a été posée lors de la visite et on nous a répondu que le choix des gants est un compromis entre la nécessité de protéger les mains et un critère de praticité pour travailler, des gants trop épais ne permettant pas d'attraper et manipuler aisément les déchets. Il semble difficile d'imaginer une solution annulant totalement les risques, aussi mieux vaut tout simplement ramener les seringues en pharmacie.
  • POTS DE YAOURT/BARQUETTES ALIMENTAIRES : à ce jour, peu de centres de tri sont configurés pour les envoyer au recyclage, mais leur récupération se développe rapidement et dans un avenir proche on pourra les recycler partout en France, y compris à Sévignacq lorsque la construction du nouveau centre sera achevée. Néanmoins, en attendant ce jour, renseignez-vous à la mairie de votre commune pour savoir si les pots de yaourts et les barquettes sont ou non pris en charge par le recyclage.
  • CARTONS DE DÉMÉNAGEMENT: Les cartons de petite taille (paquet de gâteaux) sont admis, mais les gros formats (micro-ondes) doivent être amenés en déchetterie. La raison est simple : les cartons de grande taille bloquent le tapis roulant et obligent à arrêter les unités. Couper un grand carton en morceaux n'est pas non plus recommandé : il est plus facile pour les agents de tri de saisir un carton entier que des morceaux (pensez à la cadence soutenue qui leur est imposée). Pour les mêmes raisons, il vaut mieux éviter d'aplatir les cartons ou les bouteilles.
Il est tentant de faire du zèle et de placer dans les bacs jaunes des matériaux dont on soupçonne qu'ils peuvent être recyclés, même s'ils n'apparaissent pas sur les affichettes apposées sur les bacs. Néanmoins, pour faciliter le travail des agents de tri, il est préférable, en cas de doute, de placer ces matériaux dans les ordures ménagères. En effet, qu'ils passent ou non par le centre de tri, il y a de fortes chances qu'ils finissent à l'incinérateur. Or, la chaîne logistique est plus longue pour un matériau refusé au centre : au lieu d'aller directement à l'incinérateur, le matériau est en effet amené au centre puis rejeté par l'un des agents, stocké et finalement renvoyé à l'incinérateur, ce qui induit un coût supplémentaire. Et pour ceux qui se poseraient la question, sachez que le centre de tri est financé par le conseil général, la communauté d'agglo et les impôts des particuliers. Il est évident que l'objectif du centre de tri n'est pas de faire du profit (comment le pourrait-il vu le peu de valorisation des matières premières traitées ?), mais de traiter le maximum de déchets le plus efficacement possible, ce qui revient à minimiser les coûts pour la collectivité et les particuliers. On est là dans une logique très différente de celle d'une entreprise ou d'un commerce.


Notez également qu'en marge du tri sélectif des déchets, le Syndicat Mixte de Traitement des Déchets propose la location de gobelets réutilisables (pour les manifestations), le prêt de composteurs (pour maisons ou appartements), des autocollants "stop pub". Il mène également un programme local de réduction des déchets et suit la construction du nouveau centre de tri, de plus grande capacité, qui devrait ouvrir en fin d'année. Ceci vaut pour la partie Est des Pyrénées-Atlantiques mais si la problématique vous intéresse, je vous invite à vous renseigner sur ce qui se fait près de chez vous (quant à moi je serais ravie d'en apprendre davantage, alors n'hésitez pas à m'en faire part !).


Mes sources:
Pour les curieux, le process de l'usine de valorisation énergétique (incinérateur) de Lescar se trouve ici : http://www.smtd.info/_10_27_64.html. On apprend notamment que l'usine traite 80 000 tonnes de déchets ménagers par an et que l'électricité qu'elle produit (30 000 MWh) correspond à la consommation électrique de 20 000 habitants (soit environ 7% de la population locale).

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